PLACODERMES
Phylogénie
C'est le naturaliste suisse Louis Agassiz (1807-1873) qui reconnut le premier, en 1844, la nature ichthyenne des placodermes – ils étaient jusqu'alors confondus avec des tortues. De nos jours, ils sont considérés comme un groupe naturel (monophylétique), bien que leurs affinités soient régulièrement revisitées. Ainsi, dans les années 1960, les paléontologues suédois Erick Stensiö (1891-1984) et Tor Ørvig (1916-1994) ont tenté de démonter qu'ils étaient des formes ancestrales de chondrichthyens. Ils rassemblaient les deux groupes au sein des élasmobranchiomorphes, un ensemble taxonomique dont la nature devenait alors paraphylétique. Cette idée eut la vie longue, et ce n'est qu'à la fin des années 1980 que la monophylie des chondrichthyens et celle des placodermes furent définitivement admises. Ces bouleversements systématiques sont en fait dus au progrès de nos connaissances dans plusieurs domaines. Celui des découvertes de terrain dans des niveaux dévoniens riches en restes de vertébrés et dont on ignorait jusqu'ici l'existence (Amérique du Sud, Arabie Saoudite, Chine, Australie, Vietnam...) ou dont la datation fut précisée (Maroc, Australie, Arctique canadien...). Celui des méthodes de préparation des fossiles par des techniques dites à l'acide qui permettent de dissoudre les gangues calcaires contenant les fossiles et de préparer ainsi les os en trois dimensions. Enfin, et surtout, le renouvellement des idées en systématique à partir des années 1950 a permis le développement d'une nouvelle méthode d'analyse phylogénétique (la cladistique) que viendra parfaire le développement de la micro-informatique au début des années 1980. Les logiciels d'analyse phylogénétique peuvent produire en un temps très court des arbres parcimonieux (ou schéma de relations de parenté) dont la structure repose sur la distribution de centaines d'états de caractères morphologiques définis sur un nombre plus ou moins grand de taxons. Aujourd'hui, c'est le domaine de la visualisation de l'anatomie en trois dimensions par l'imagerie fonctionnelle (en anglais, CT Scan) qui permet d'entrevoir et de deviner quels seront les progrès en paléontologie. Non destructive pour les spécimens fossiles, cette méthode permet une meilleure précision de l'observation, et en conséquence d'affiner l'énoncé de nos hypothèses d'homologie sur les caractères morphologiques. L'influence sur la recherche des relations de parenté aura une conséquence importante.
Un consensus existe sur les relations phylogénétiques des placodermes par rapport aux autres gnathostomes – ils occupent la position de groupe frère de l'ensemble des autres gnathostomes. Bien que tous les spécialistes soient unanimes à reconnaître l'existence d'une dizaine de groupes monophylétiques au sein des placodermes, ce sont les hypothèses sur leurs relations internes qui les divisent le plus. La figure 3 représente l'hypothèse la plus couramment admise des relations de parenté entre leurs différents clades (groupes naturels ou monophylétiques). Ce qui constitue l’objet du débat, ce sont les différences dans l'argumentation fondée sur l’homologie des caractères anatomiques qui permet d'identifier et de définir chaque nœud du cladogramme.
Dans l'histoire des placodermes, le plus grand mystère qui demeure est celui de leur disparition à la fin du Dévonien, une période géologique marquée par l'une des cinq grandes extinctions de masse qu'a connues la biodiversité au cours de son histoire. Ils ont emporté dans cette fin nombre de secrets qui en font le pendant des dinosaures pour le Paléozoïque.
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Écrit par
- Hervé Léo LELIÈVRE : professeur du Muséum national d'histoire naturelle
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