PLAIN-CHANT
État actuel
L'ampleur du répertoire, la variété des formes, la richesse mélodique, l'accord profond de la vie spirituelle et du style musical qui se veut à son service, tout cela souligne l'importance historique, culturelle et spirituelle du plain-chant. On s'explique que la Constitution conciliaire sur la liturgie (deuxième concile du Vatican, art. 112 et 116) le réaffirme « chant propre de la liturgie romaine, [...] de valeur inestimable, [...] digne de la première place ». Or, malgré ces affirmations, ce chant a subi, dans le culte catholique, un déclin considérable. Le retour pour tout chant à la langue populaire, au message intelligible, a éloigné de la musique (que l'on estime jeu ou hédonisme ?) et, à plus forte raison, du latin et d'une musique issue du latin. C'est, en fait, une rupture avec une séculaire tradition de méditation musicale. En revanche, dans les milieux scientifiques, au lieu d'un déclin, on a constaté plutôt un progrès : au-delà des polémiques, une synthèse solide s'est imposée à l'étude musicologique. Une édition critique du Graduel est en cours à Solesmes ; les théories modales (J. Claire) et une synthèse « verbale modale » rendent compte de la composition ; la sémiologie (E. Cardine) amène toujours de nouvelles découvertes, celle, par exemple, primordiale, de la « coupure expressive » des neumes. La rythmoscopie (J. Jeanneteau) analyse scientifiquement l'interprétation inscrite dans les enregistrements de chant grégorien, comme cela pourrait se faire avec n'importe quelle autre mélodie. Grâce à l'électronique et à l'informatique, le signal musical est dépouillé des variations mélodiques et des paroles qui sont l'information à interpréter ; seules les moindres nuances de la dynamique apparaissent sur une courbe appelée rythmogramme ; on y voit la forme propre de chaque interprète, sa connaissance du détail neumatique, les relations entre l'accent et la finale, sa recherche des pôles d'intensité, la maîtrise de son propre tonus, les nuances de son agogique ; en somme, le rythmogramme est une radiographie scientifique de l'interprétation. On peut ainsi comparer les interprétations et établir une carte d'identité des interprètes. Le chant grégorien fut ainsi, dès 1957, le premier sujet d'une étude scientifique aussi poussée de « l'homme dans son expression », étude rendue possible grâce à l'électronique.
Le chant grégorien est encore chanté dans de nombreux monastères ; si des maîtres ont analysé sa structure et son esthétique, il faut reconnaître que l'Église catholique n'a pas encore vraiment étudié la théologie positive de sa prière chantée. Peut-être en sera-t-il du chant grégorien comme de Bach ou de Palestrina, redécouverts après un long temps d'ignorance ou de dédain.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jean JEANNETEAU : vice-recteur honoraire de l'université catholique de l'Ouest, directeur du Centre de recherche de musique médiévale et de rythmographie
- Pierre-Paul LACAS : psychanalyste, membre de la Société de psychanalyse freudienne, musicologue, président de l'Association française de défense de l'orgue ancien
Classification
Médias
Autres références
-
AMBITUS
- Écrit par Pierre-Paul LACAS
- 174 mots
Tessiture d'une mélodie ou étendue de l'échelle sonore — du grave à l'aigu — à l'intérieur de laquelle se déploie une mélodie. L'ambitus sert aussi à différencier le mode authente (ou authentique) du mode plagal, en plain-chant grégorien. En effet, les modes...
-
BERMUDO JUAN (1510 env.-?)
- Écrit par Pierre-Paul LACAS
- 392 mots
Compositeur, théoricien et l'un des trois organistes les plus réputés du Siècle d'or espagnol, avec Antonio de Cabezón et Tomás de Santa María. Il étudie à l'université d'Alcalá de Henares ; en 1549, il est au service du duc d'Arcos, où il côtoie Luis de Morales. Franciscain, il...
-
CHORAL
- Écrit par Jacques CHAILLEY
- 2 546 mots
- 1 média
Enfinl'Église catholique traite son plain-chant, principalement le commun de la messe et des hymnes, à peu près de la même manière que le choral allemand. On rappelle que, depuis le xvie siècle, le plain-chant s'exécutait dans un mouvement ralenti avec des longues et des brèves et s'accompagnait... -
GALLICANS RITE & CHANT NÉO-
- Écrit par Pierre-Paul LACAS
- 1 096 mots
Mouvement liturgique du xviie siècle, surtout français. Bien qu'il faille éviter d'établir un parallèle trop étroit avec le gallicanisme politique, on constatera une certaine ressemblance d'attitude ici et là en raison du fait que les évêques revendiquaient une certaine autonomie...