- 1. La découverte des gènes homéotiques
- 2. L'ordre des gènes Hox sur les chromosomes reflète un dispositif d'action dans l'espace et le temps
- 3. Le contrôle du plan du corps des mammifères
- 4. Les gènes Hox et la formation des membres des vertébrés
- 5. Gènes Hox pierre de Rosette de l'évo-dévo ?
- 6. Bibliographie
PLAN D'ORGANISATION DES VERTÉBRÉS
L'étude approfondie de mutants de la drosophile a mis en évidence un complexe de gènes, les gènes homéotiques, dont le fonctionnement détermine le plan du corps de l'insecte. La surprise est venue de la découverte que des ensembles de gènes homéotiques, apparentés à ceux de la drosophile, déterminent également le plan du corps des vertébrés ainsi que la formation de leurs membres : il s'agit d'une invention fondamentale dans l'évolution des animaux segmentés. L'analyse des génomes d'animaux, y compris les plus primitifs montre que des gènes homéotiques existent chez les animaux les plus primitifs comme l'hydre d'eau douce. Ils n'y remplissent pas les mêmes fonctions que chez les insectes et les vertébrés, mais ils sont en quelque sorte la signature de l'appartenance au monde animal.
Deux arbres de la même espèce peuvent avoir des silhouettes différentes selon qu'ils ont poussé dans une futaie ou isolés et exposés aux vents. À l'inverse, deux animaux de la même espèce auront toujours de grandes ressemblances dans leur anatomie. La morphogenèse, le développement de la forme d'un être vivant, est donc un mécanisme reproductible pour les animaux. C'est une question fondamentale de la biologie qui a été abordée par les embryologistes, lesquels ont décrit le développement de nombreux embryons, et par les évolutionnistes, qui ont cherché dans l'anatomie puis dans l'embryogenèse des indices pour retracer l'évolution.
Dans toutes les espèces animales, l'embryon résulte de la fusion de deux cellules haploïdes, deux gamètes ; de cette fusion résulte un zygote qui va se diviser en plusieurs cellules. Celles-ci se différentient en différents types de cellules ou feuillets embryonnaires, et entreprennent des mouvements complexes, appelés gastrulation. Ces étapes de développement précoce sont fort différentes d'une espèce à l'autre, mais la « gastrula » qui en résulte, présente des similitudes communes à tout le règne animal. Cela a été noté par les embryologistes dès la fin du xixe siècle, et c'est un des éléments clés de la théorie de la récapitulation de Haeckel : « L'ontogenèse (la mise en place des organes dans l'embryon) récapitule la phylogenèse (l'histoire évolutive de l'espèce de cet embryon) ». Cette théorie est trop approximative pour être maintenant considérée comme juste, mais il s'agissait de la première tentative pour intégrer les connaissances en embryologie à la théorie de l'évolution. Avec le développement des connaissances et des outils pour connaître et manipuler l'ADN des animaux, l'embryologie est devenue la biologie du développement. Les apports de cette science à la théorie de l'évolution ont été appelés « évo-dévo », une véritable synthèse nouvelle dans le domaine de l'évolution. La découverte d'une famille de gènes spécialisés dans le contrôle du développement embryonnaire, les homéogènes ou gènes homéotiques, et de son implication dans le plan d'organisation des vertébrés est emblématique de cette synthèse.
La découverte des gènes homéotiques
La découverte de l'information de position chez les animaux
En 1894, le biologiste britannique William Bateson décrit des variants naturels de certaines espèces, dans lesquels l'identité d'un élément de structure d'un organisme segmenté – un insecte comme une fleur – serait transformée en celle d'un autre élément. Il crée le terme homéose pour définir ce phénomène. Ce terme a été réutilisé ensuite pour décrire des mutants de drosophiles présentant des transformations dites homéotiques de certains segments le long de leur axe antéro-postérieur : c'est ainsi que le mutant Antaennapedia, présente des pattes[...]
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Écrit par
- Bertrand FAVIER : docteur vétérinaire, docteur ès sciences, maître de conférences à l'université Joseph-Fourier, Grenoble
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Médias