Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

PLAN D'ORGANISATION DES VERTÉBRÉS

Le contrôle du plan du corps des mammifères

Chez la drosophile les effets des protéines homéotiques antérieures sont « supprimés » par les protéines exprimées plus postérieurement. Cette règle dite de suppression phénotypique ou « prévalence postérieure » n'est observée chez la drosophile que dans des conditions expérimentales où on provoque artificiellement cette superposition. La prévalence postérieure est en revanche fonctionnelle chez les vertébrés. En tous cas, elle fournit un bon schéma explicatif des données expérimentales obtenues sur des mutants des gènes Hox chez ces derniers organismes.

Cette règle de prévalence postérieure est encore un autre exemple de la règle évo-dévo déjà mentionnée : pour les gènes impliqués dans le développement embryonnaire, ce sont les promoteurs qui sont principalement l'objet de mutations au cours de l'évolution, alors que les protéines changent très peu et gardent leurs fonctionnalités.

Il n'existe pas de mutants naturels des gènes Hox chez les vertébrés. Pour comprendre le rôle des gènes Hox dans le plan des vertébrés, on a donc recours à la transgenèse. Ces différentes expériences ont été entreprises principalement chez la souris. Il s'agit, d'une part, de la transgenèse additionnelle dans laquelle on ajoute au génome de la souris un gène plus ou moins complet avec son promoteur et sa région codante. Ce gène s'intègre au hasard sur un chromosome : il s'exprimera selon le promoteur dont on le dote. Il s'agit, d'autre part, de l'inactivation ciblée d'un ou plusieurs gènes Hox de la souris : on fabrique alors des mutants par défaut. Les phénotypes des souris ainsi manipulées indiquent la ou les fonctions du gène étudié et confirment que les homéogènes contrôlent le plan du corps des mammifères. Dans quelques cas, ils donnent des informations utiles à la compréhension d'événements importants de l'évolution des vertébrés.

Conséquences de changements dans l'expression de gènes homéotiques - crédits : Encyclopædia Universalis France ; modèle 3D fourni par Shutterstock

Conséquences de changements dans l'expression de gènes homéotiques

Chez une souris à laquelle on a ajouté un gène supplémentaire HoxD-4 sous le contrôle du promoteur de HoxA-1 l'expression ectopique de ce gène, au moment de l'expression de HoxA-1 induit la formation d'arches neurales sur l'os basi-occipital, avec disparition des os supra et exo-occipitaux. L'os occipital des mammifères résulte de la fusion de ces quatre ébauches osseuses, à la différence des reptiles et des oiseaux où cette fusion n'a pas lieu. Cette transformation a lieu dans une région antérieure au domaine d'expression de HoxD-4 et aucune malformation n'a été observée en région postérieure. Ce résultat suggère que la surexpression de HoxD-4 à l'intérieur de ou postérieurement à son domaine normal d'expression n'a aucun effet. Par contre, dans les quatre somites où on a provoqué la co-expression de HoxD-4 avec d'autres protéines plus antérieures dont HoxA-1, il y a bouleversement du programme morphogénétique et ces somites n'ont pas donné les os occipitaux mais des structures de type vertèbres. C'est la protéine la plus postérieure (ici HoxD-4) qui impose son programme morphogénétique.

L'autre aspect intéressant de ces transformations est leur caractère atavique (ancestral). En effet, chez les agnathes (poissons sans mâchoires, lamproies et myxines) l'os basi-occipital n'existe pas, et les quatre premières paires de somites ne sont pas incorporées à la partie postérieure du crâne, et donnent naissance aux vertèbres cervicales, au contraire des vertébrés à mâchoire, les gnathostomes, chez lesquels ils participent à la partie postérieure du crâne. La transformation observée chez ces souris transgéniques mime donc une situation anatomique ancienne, connue dans l'histoire évolutive des vertébrés.

La formation de la cage thoracique obéit au même cas de figure. L'ensemble des[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : docteur vétérinaire, docteur ès sciences, maître de conférences à l'université Joseph-Fourier, Grenoble

Classification

Médias

Un mutant de drosophile doté d'une patte à la place d'une antenne : <it>Antaennapedia</it> - crédits : Encyclopædia Universalis France

Un mutant de drosophile doté d'une patte à la place d'une antenne : Antaennapedia

Un mutant de drosophile à quatre ailes: <it>Ultrabithorax</it> - crédits : David Scharf/ SPL France

Un mutant de drosophile à quatre ailes: Ultrabithorax

Nomenclature et expression des gènes homéotiques chez la drosophile et chez la souris - crédits : Encyclopædia Universalis France

Nomenclature et expression des gènes homéotiques chez la drosophile et chez la souris