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PLASMA DE QUARKS ET DE GLUONS

LES EXPÉRIENCES

Dès 1986, à Genève, les physiciens du Cern entreprenaient une première exploration de ce domaine en accélérant dans leur grand synchrotron des ions d'oxygène, puis de soufre, jusqu'à des énergies de quelques téraélectronvolts (téra signifie 1012). La nouveauté technique résidait dans l'utilisation d'une source de noyaux complètement ionisés, conçue principalement à l'institut des sciences nucléaires de Grenoble. Plusieurs groupes de recherche modifièrent des dispositifs de détection existants et accumulèrent des données expérimentales dont l'interprétation se révéla fort délicate.

L'accélération de noyaux de plomb (contenant chacun quelque deux cents protons et neutrons), dans ce même synchrotron du Cern à partir de la fin 1994, a permis d'atteindre des densités d'énergie bien supérieures. Plusieurs dispositifs expérimentaux ont permis de recueillir un lot de données significatives. La difficulté est d'extraire d'une production multiple de particules un signal clair de l'émergence d'une nouvelle physique. La collaboration NA50 (une centaine de physiciens venant de six laboratoires français – École polytechnique, laboratoire d'Annecy, universités d'Orsay, de Lyon, de Clermont-Ferrand et de Strasbourg – et de centres de recherches arménien, italien, portugais, roumain et russe) s'est attachée quant à elle à étudier le taux d'apparition des mésons J/Ψ, en s'aidant du canal de désintégration caractéristique de ces particules en une paire muon-antimuon. On reconnaît que cette paire provient d'un J/Ψ lorsque sa masse effective est égale à celle du J/Ψ, soit quelque trois fois celle du proton. L'ensemble de détection utilisé est principalement constitué d'un absorbeur qui élimine à peu près toutes les particules produites à l'exception des muons, d'un aimant courbant les trajectoires de ces derniers et de détecteurs électroniques signant leurs passages. Deux calorimètres permettent en outre d'estimer l'énergie totale libérée lors de la réaction et donc la violence de la collision. Une anticorrélation très marquée entre cette énergie et le taux d'apparition du J/Ψ semble prouver la mise en œuvre d'un phénomène subtil caractéristique de la phase plasma : l'écrantage des charges de couleur empêche la paire de quark-antiquark charmés de s'assembler en un J/Ψ lorsque leur environnement est trop dense.

Le programme actuel a toujours été considéré comme une phase exploratoire. La prochaine étape bénéficiera de la technique des collisionneurs, dont l'énergie efficace est bien supérieure à celle des accélérateurs bombardant une cible fixe. Les physiciens américains ont engagé un programme spécifique au laboratoire de Brookhaven, dans l'île de Long Island près de New York. Ils y réaliseront les premières collisions frontales de deux faisceaux d'ions lourds accélérés chacun jusqu'à une vingtaine de téraélectronvolts ; ce collisionneur, R.H.I.C. (Relativistic Heavy Ion Collider), sera équipé d'ensembles de détection spécifiquement conçus pour observer les différentes signatures attendues du plasma de quarks et de gluons. En Europe, le grand collisionneur à hadrons qui sera installé entre 2000 et 2005 dans le tunnel du collisionneur électron-positon (L.E.P.) accélérera pendant quelques mois par an des ions lourds et devrait atteindre des densités d'énergie record. Une grande collaboration internationale de quelque soixante centres de recherche et plusieurs centaines de physiciens prépare un impressionnant ensemble de détection, appelé ALICE (A Large Ion Collider Experiment).

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Écrit par

  • : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau

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