Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

PLASTICITÉ CÉRÉBRALE

Hypothèses et mécanismes de la plasticité cérébrale

Théorie des assemblées cellulaires de Hebb - crédits : Encyclopædia Universalis France

Théorie des assemblées cellulaires de Hebb

Depuis Cajal, les histologistes avaient pensé que la plasticité cérébrale pouvait être liée à un changement des connexions neuronales, les synapses. Mais c'est l'apport du neuropsychologue canadien Donald Hebb (1904-1985) qui peut être considéré comme le véritable point de départ théorique du mécanisme de la plasticité synaptique. En 1949, Hebb propose que les modèles de comportement, comme la perception visuelle, se construisent progressivement au cours de longues périodes par la connexion d'ensembles particuliers de cellules ou « assemblées cellulaires ». Selon cette théorie, l'apprentissage correspond à une modification de la taille des réseaux neuronaux activés par les stimuli et, à l’intérieur de ceux-ci, au développement d’une meilleure cohérence temporelle des activations des neurones liée au renforcement des connexions, assurant ainsi la création d'assemblées plus efficaces.

Aplysie ou lièvre de mer - crédits : Chad King/ NOAA/ Flickr.fr ; CC 2.0

Aplysie ou lièvre de mer

Les bases physiologiques de ce couplage ont été précisées par le Prix Nobel (2000) Eric Kandel. Ses recherches sur l'habituation furent le point de départ de l'élucidation des mécanismes de la plasticité au niveau moléculaire et des modalités particulières de la neurotransmission, liées à la mémoire et à l'apprentissage. Kandel a pu reconstituer la topographie des voies neuronales intervenant dans ces processus d'habituation et de sensibilisation chez un mollusque marin, l'aplysie (lièvre de mer). Ces modifications du comportement dépendent d'altérations plastiques dans les synapses du circuit nerveux contrôlant le réflexe de rétraction de la branchie de cet animal, c’est-à-dire de modifications de l’activité électrique du neurone moteur rétractant la branchie (potentiels postsynaptiques), dans le sens d’une diminution au cours de l’habituation et d’une augmentation au cours de la sensibilisation. Kandel a montré, sur ce modèle, l'intervention directe des neuromédiateurs, et reconstitué les modifications métaboliques consécutives dans les synapses.

À partir de ce modèle, la recherche des bases moléculaires de la plasticité se développe. Le signal obtenu à la sortie de la synapse est déterminé par l’amplitude de la dépolarisation et dépend de divers paramètres aux niveaux présynaptique et postsynaptique. La compréhension de ces mécanismes doit s'effectuer dans une perspective structurale à ces deux niveaux, mais aussi dans une perspective temporelle, d'une part selon la vitesse à laquelle la polarisation est changée et d'autre part selon la pérennité du changement.

Cascade des modifications moléculaires synaptiques dans la mémoire à long terme - crédits : Encyclopædia Universalis France

Cascade des modifications moléculaires synaptiques dans la mémoire à long terme

Dans le modèle que propose Kandel, la plasticité à long terme suppose des modifications synaptiques et des synthèses de protéines. La dépolarisation synaptique peut être majorée à long terme (potentialisation à long terme ou PLT) ou diminuée (dépression à long terme ou DLT) par plusieurs mécanismes impliquant l’acide glutamique (GLU) comme neurotransmetteur, et l’incorporation dans les membranes des récepteurs au glutamate AMPA (acide alpha-amino-3-hydroxy-5-méthyl-4-isoxazolepropionique) ou NMDA (acide N-méthyl-D-aspartique) dans la membrane postsynaptique. Une grande partie de ces changements se produisent grâce à l’action de l’ion calcium dans les zones présynaptiques et les épines dendritiques. L’effet dure alors plusieurs minutes à plusieurs heures, et même plusieurs mois, et peut être associé à un doublement des connexions dendritiques et à une formation de nouveaux circuits. De fortes concentrations calciques entraînent l’activation de l’enzyme protéine kinase dépendante du complexe calcium/calmoduline, via l’activation par l’AMPc (adénosine monophosphate cyclique). Cela induit la phosphorylation de protéines cibles impliquées dans la régulation génétique de cette plasticité, comme la protéine CREB ([...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur des Universités (histoire et philosophie des sciences) à l'université de Picardie Jules Verne, Amiens

Classification

Médias

Plasticité du cortex somesthésique - crédits : Encyclopædia Universalis France

Plasticité du cortex somesthésique

Cartes de la main sur la peau après amputation chez l’homme - crédits : avec l'aimable autorisation de V. Ramachandran

Cartes de la main sur la peau après amputation chez l’homme

Théorie des assemblées cellulaires de Hebb - crédits : Encyclopædia Universalis France

Théorie des assemblées cellulaires de Hebb

Autres références

  • LANGAGE ACQUISITION DU

    • Écrit par
    • 4 950 mots
    • 3 médias
    ...rapidement évoquées sont celles de savoir comment le cerveau se spécialise pour le langage, comment s’organisent progressivement les localisations cérébrales et comment s’exerce la plasticité cérébrale, questions qui exigent, entre autres, le recours à des études longitudinales en imagerie cérébrale.
  • AUTISME ET TROUBLES DU SPECTRE DE L'AUTISME

    • Écrit par
    • 6 809 mots
    ...car des formes d’autisme sont liées au chromosome X et les garçons, qui n’en ont qu’un seul, seraient plus sensibles à une altération de celui-ci. La plasticité cérébrale serait également dépendante du sexe et, enfin, le repérage pourrait être moins efficace chez les filles avec autisme, qui « camoufleraient...
  • BATES ELIZABETH (1947-2003)

    • Écrit par
    • 436 mots

    Elizabeth Bates, nommée professeur de psychologie en 1983 à l’université de Californie à San Diego, est cofondatrice, en 1988, du premier département de sciences cognitives aux États-Unis. Elle y crée et dirige le prestigieux Center for Research in Language.

    En trente années, Liz Bates a produit...

  • CERVEAU ET MUSIQUE

    • Écrit par
    • 1 030 mots

    Identifier les zones du cerveau qui traitent la musique et préciser leur rôle respectif dans la perception, la mémoire, les émotions et la pratique musicale font l’objet de nombreux travaux en neuroscience de la musique. C’est à partir de l’observation des patients présentant des lésions cérébrales...

  • Afficher les 15 références