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PLASTIQUES

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Un plastique est un matériau synthétique fait d'un polymère, nommé usuellement ainsi pour sa plasticité. Au cours de la seconde moitié du xixe siècle et au début du xxe siècle, jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, les plastiques eurent leurs emplois propres, sans concurrencer sérieusement les matériaux traditionnels tels que le bois, le verre, ou l'acier. Puis, après la guerre, les plastiques s'épanouirent comme des matériaux omniprésents, non seulement dans la construction ou la production industrielle, mais dans tous les secteurs de l'économie et de la vie quotidienne. Cette nouvelle technologie ouvrit alors la société de consommation.

Dans les années 1950-1960, la prolifération des nouveaux matériaux plastiques fut telle que les consommateurs eurent besoin de guides, pour distinguer les articles semblant un luxe abordable de ceux assimilables à une camelote, bonne à jeter après usage. En France, la chronique « Madame Express » de l'hebdomadaire du même nom et le roman de Georges Perec, Les Choses (1965), portèrent témoignage de ce trouble devant l'abondance même de la société de consommation. Dans ce qui suit, l'accent est mis par conséquent sur les matériaux plastiques comme biens de consommation, plus que sur leur production.

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Les matériaux plastiques souffraient encore, dans les années 1960-1970, de deux insuffisances technologiques majeures, auxquelles il fut porté remède graduellement et qui, au début du xxie siècle, ne sont plus qu'un souvenir : l'absence de techniques de recyclage ; et la difficulté d'impression sur un support plastique.

Mais remontons le temps, jusqu'à l'époque inaugurale des plastiques.

Un premier âge

Vers le milieu du xixe siècle, la pénurie en ivoire devint préoccupante. En Europe et aux États-Unis, on en faisait notamment des boules de billard. Une firme qui produisait celles-ci, Phelan & Collander, lança un concours pour un produit de remplacement : l'inventeur recevrait 10 000 dollars, somme alors considérable. L'Anglais Alexander Parkes (1813-1890), inventeur prolifique, trouva en 1856 un ersatz, la Parkesine. Elle est faite de cellulose traitée par de l'acide nitrique – un « collodion » –, et l'incorporation d'éthanol (l'alcool ordinaire) comme solvant la rendait plastique. Cet ivoire artificiel valut à Parkes la renommée. Daniel Spill (1832-1887), qui fabriquait des imperméables pour son frère George, fut séduit par l'imperméabilité de la Parkesine. La société George Spill & Co, à Stepney Green, près de Londres, commença donc à la fabriquer. Mais cette matière demeurait onéreuse, en raison de l'alcool entrant dans sa composition. De plus elle avait pour défaut de se déformer et de se fissurer rapidement.

L'annonce du prix de Phelan & Collander mit l'Américain John Wesley Hyatt (1837-1920) en quête lui aussi d'ivoire artificiel. Comme Spill et Parkes, Hyatt incorpora du camphre au collodion. Mais il eut l'idée astucieuse, pour éviter l'ajout d'éthanol, d'additionner le camphre à chaud et sous pression. De ce fait, son produit ne présentait plus le vieillissement rapide de la Parkesine. Il le breveta et mit sur le marché en 1863 ce dérivé de la cellulose, sous le nom de Celluloïd. John W. Hyatt (qui s'associa avec son frère Isaiah Smith) construisit des machines permettant de mouler le Celluloïd par injection. Fille de deux substances naturelles, la cellulose du bois et le camphre, la première matière plastique artificielle était née. La Parkesine ne soutint pas la concurrence. Sa fabrication cessa dès 1868. En 1870, les frères Hyatt fondèrent une première société à Albany, l'Albany Dental Plate Company. Sa principale production n'était pas les boules de billard, mais les dentiers. Ces prothèses avaient des imperfections : boire un thé un peu chaud les ramollissait, et laissait un goût de camphre... Dès 1871, la société s'implanta à Newark, dans le New Jersey, à proximité de New York, sous le nom de Celluloid Manufacturing Company. Elle y poursuivit son activité jusqu'en 1949 – 77 ans durant. Les frères Hyatt diversifièrent leur production par des baleines pour corsets, des faux-cols, des boutons, de grands peignes pour les dames, des plastrons de chemises, qui ne rétrécissaient pas au lavage et se nettoyaient d'un coup d'éponge...

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Qu'est-ce qui fait l'adoption d'un nouveau matériau, tel que le Celluloïd ? Outre un faible coût de revient, une matière première abondante est indispensable. Le choix de la cellulose vint de la vogue que connaissait alors le coton-poudre ou fulmicoton. Mais comment modeler et mouler cette cellulose, modifiée par l'action des acides nitrique et sulfurique ? La réponse, dictée par l'analogie, fut l'ajout d'un solvant. Certains produits, comme la pâte à modeler ou son ancêtre, l'argile, se présentent sous la forme d'une poudre à l'état sec, mais gonflent et deviennent malléables après avoir été humidifiés. Parkes et Spill s'y bornèrent, alors que l'inventivité de Hyatt lui permit de se passer d'un solvant pour mouler et modeler son nouveau produit. La fabrication des premiers films cinématographiques acheva de faire la fortune de la Celluloid Manufacturing Company. Ensuite, les films (tant pour la photo que pour le cinéma) furent faits de nitrate de cellulose, dont l'inconvénient majeur fut l'inflammabilité.

En 1889, Auguste Trillat (1861-1944) inventa la Galalithe (signifiant « pierre du lait ») en traitant du lait par du formaldéhyde (ou formol), qui se combine avec la caséine, protéine majeure du lait. Cela fournit un matériau dur, polissable pour le rendre soyeux au toucher, à l'aspect ivoirin, qui servit à fabriquer bijoux et bibelots, boutons, stylos, fume-cigarettes...

La Bakélite fut le premier plastique de synthèse. Son inventeur, le Belge Léo Baekeland (1863-1944), avait à Yonkers (New York) un laboratoire privé. Riche du million de dollars perçu de George Eastman pour l'invention antérieure d'un papier photographique, il obtint le matériau qui porterait son nom, en 1907-1909, par condensation du phénol et du formaldéhyde. Bon isolant électrique et thermique, la Bakélite servit aussi à fabriquer des boîtiers de radios et de téléphones, et d'autres objets très divers.

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Hilaire de Chardonnet (1839-1924) inventa la viscose en 1884, par réaction du sulfure de carbone sur de la cellulose, préalablement traitée par de la soude. Le procédé, breveté par des Anglais en 1892, fut industrialisé au début des années 1920 pour produire des fibres textiles de ce nom.

L'invention de la Cellophane date de 1908. Jacques E. Brandenberger (1872-1954) était un ingénieur suisse, qui travaillait dans le textile, donc familier de la viscose. Au vu d'une tache de vin sur une nappe, il résolut de revêtir le tissu d'un film à la fois transparent et imperméable. Lorsqu'il appliqua de la viscose sur une toile de coton, le produit manqua de la souplesse désirée. En revanche, la pellicule s'ôtait aisément de sa doublure. Telle est l'origine de la Cellophane, qui prévalut par ses qualités de grande imperméabilité à l'air, aux graisses et aux germes bactériens. Ces qualités la firent adopter par l'industrie alimentaire pour emballer par exemple des bonbons. La société française La Cellophane eut le monopole de la production une dizaine d'années durant. En 1924, DuPont de Nemours ouvrait la première unité de production américaine. L'année suivante voyait la mise sur pied de British Cellophane, partenariat entre La Cellophane et Courtaulds, qui ouvrit une usine à Columbus (Ohio) en 1937. La cellophane se réintroduit aujourd'hui dans l'agroalimentaire, car cette matière plastique est à 100 p. 100 biodégradable.

Les frères Camille et Henri Dreyfus, Helvètes, mirent au point en 1905 un procédé de fabrication de l'acétate de cellulose, pour les besoins en film de l'industrie cinématographique. Dès 1913, ils avaient obtenu en laboratoire des filaments continus d'acétate. Cette nouvelle fibre, une soie artificielle, commença d'être commercialisée en 1924 sous le nom de rayonne.

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Deux découvertes fortuites, intervenues dans les années 1930, celle du polyéthylène par Eric W. Fawcett (1908-1987) et Reginald O. Gibson (1902-1983) en 1933-1939 et celle du polytétrafluoroéthylène ou Téflon par Roy J. Plunkett (1910-1994) en 1938, s'avérèrent d'une grande richesse en applications. Leur exploitation dans l'après-Seconde Guerre mondiale fut déterminante pour l'instauration d'une ère du plastique.

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Écrit par

  • : professeur honoraire à l'École polytechnique et à l'université de Liège (Belgique)

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Autres références

  • ACROLÉINE

    • Écrit par
    • 225 mots

    Aldéhyde acrylique

    Masse moléculaire : 56,06 g

    Masse spécifique : 0,841 g/cm3

    Point d'ébullition : 52,5 0C

    Point de fusion : —87,7 0C.

    Liquide incolore, inflammable, à odeur âcre.

    L'acroléine, ou propénal (prop-2-énal) possède les propriétés dues au groupement aldéhyde et à la présence...

  • ARCHITECTURE (Matériaux et techniques) - Plastique

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    En 1907, le chimiste américain d'origine belge Leo Hendrik Baekeland met au point la Bakélite, nom commercial de la résine synthétique à base de phénols et de formaldéhyde. Résistante à la chaleur et à de nombreux produits chimiques, isolant électrique, légère et semi-transparente,...

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