PLATYCHELYS OBERNDORFERI
Pourquoi un tel système de rétraction du cou et de la tête?
Les tentatives de reconstitution du repli du cou chez Platychelys montrent que cette tortue ne pouvait pas rentrer le cou et la tête entièrement dans la carapace, la rétraction étant seulement partielle. Or, une telle rétraction partielle ne permet guère la protection. À quoi servait-elle donc alors ? La carapace de Platychelys a une forme bien particulière, avec trois rangées longitudinales de grandes bosses sur la dossière. Un spécimen appartenant à une collection privée présente un squelette complet en vue dorsale. On y observe de très grands os hyoïdes, un crâne relativement large avec les yeux placés très en avant sur la tête, proches du museau, et des membres puissants armés de fortes griffes. Tous ces traits rappellent certaines tortues actuelles, telles que la matamata (Chelus fimbriatus), la tortue alligator (Macrochelystemminckii) ou encore la tortue happeuse (Chelydra serpentina). Cette ressemblance suggère que Platychelys avait un mode de vie semblable à celui de ces trois tortues actuelles. Ces tortues sont des prédateurs d’embuscade vivant dans l’eau peu profonde. Se camouflant aisément dans la végétation grâce à leur carapace irrégulière, elles restent immobiles au fond de l’eau et, lorsqu’une proie s’approche, elles la capturent par une brusque détente de leur cou qui leur permet de projeter brusquement leur tête en avant. Le développement de la rétraction du cou de Platychelys est donc fait pour se nourrir dans un milieu aquatique, non pour se protéger.
Les tortues sont d’origine terrestre. Les plus primitives, telles que Proganochelys du Trias supérieur, n’avaient pas encore développé le double pli du cou. Proganochelys n’était pas capable de rentrer la tête dans la carapace, pouvant seulement plier le cou latéralement une seule fois pour mettre la tête sur le côté. Au cours du Jurassique, plusieurs lignées de tortues se sont adaptées aux milieux aquatiques, environnement dans lequel se sont développés les groupes modernes, les Pleurodires et les Cryptodires, avec leur mode de rétraction du cou propre, établi au cours du Crétacé. Toutefois, au début de leur évolution, le mécanisme de rétraction n’était pas bien stabilisé dans ces deux groupes. Dans un cas opposé à celui de Platychelys, une tortue cryptodire primitive, Xinjiangchelys qiguensis, mise au jour dans des formations du Jurassique supérieur de Chine, possède des vertèbres cervicales dont la morphologie est plutôt proche de celle des Pleurodires. Platychelys montre que le mécanisme de rétraction du cou dans un plan vertical, connu chez les Cryptodires modernes, s'est d’abord développé chez les Pleurodires. Il suggère aussi que ce mode de rétraction peut se développer, à l’origine pour des raisons qui n’ont rien à voir avec la protection, mais plutôt pour améliorer la capacité à capturer les proies dans les milieux aquatiques. Les Cryptodires auraient développé le même mode de rétraction du cou d’une façon similaire. Par la suite seulement, la rétraction verticale est devenue complète, et a servi à protéger le cou et la tête à l'intérieur de la carapace chez les Cryptodires.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Haiyan TONG : paléontologue
Classification
Médias