PLAUTE (env. 254-184 av. J.-C.)
Structure de la comédie
Le mot « farce » n'a rien de péjoratif, car le genre qu'il désigne, loin d'être une simple « exploitation complaisante du burlesque », consiste bien plutôt dans cette « dénonciation fulgurante » des vices et des ridicules dont parle Jules Romains, riche en décharge comique et requérant par excellence une vertu de mouvement sans laquelle il n'est pas de vraie poésie dramatique. Si l'on s'avise de le comparer à Aristophane, on constate que Plaute demeure un écrivain de second ordre, car il est loin de posséder l'étonnant et multiple génie du comique grec. Il ne brille ni par la profondeur de la pensée, ni par l'originalité de l'observation psychologique, ni par la hardiesse de la polémique sociale. Et c'est tant mieux peut-être, car, lorsqu'il s'agit d'étudier la pure technique d'un genre, il n'est rien de tel que le génie d'un artiste pour offusquer le jugement du critique, fausser les proportions et défier l'analyse. Or, Plaute est, avant tout, le créateur d'une forme de théâtre où tout est subordonné au rire – caractère, action, style –, et où ce rire est obtenu par des moyens rigoureusement déterminés, dans le cadre d'une pièce bien faite, celle d'un maître ouvrier.
Comment se présente-t-il à nous, directement, avec son talent de franc amuseur, sa maîtrise verbale et sa virtuosité dans les jeux d'une entraînante rythmique ? Ici encore les discussions abondent, qui ne sont, pour la plupart, que « disputes à l'allemande ». On sait que Térence a imité assez fidèlement les auteurs grecs de la nouvelle comédie, car le poète prend soin de nous renseigner lui-même sur son système dramatique, sinon sur ses procédés d'adaptation. Avec Plaute, on aborde un domaine infiniment plus complexe : la variété probable des divers modèles hélléniques qu'il est malaisé d'apprécier, les différences de structure que présentent ses comédies, la forme déconcertante de certaines d'entre elles, l'introduction de l'élément lyrique dans le développement de l'action, tout paraît commander un souci d'examen particulier. Un premier courant critique, présumant la perfection des œuvres grecques, tend à inscrire au compte de Plaute les prétendues inconséquences de technique qu'on relève dans ses comédies. Un autre courant s'inspire de considérations absolument opposées ; mettant en doute la perfection de la comédie nouvelle, il consacre, dans l'étude des sources, une large place à d'autres éléments : concessions faites au goût du public, influence des farces sud-italiques, imitation de l'atellane, des jeux fescennins et de la satura, qui sont autant de manifestations naïves, portant les germes de toute comédie. Au vrai, semble-t-il, deux tentations s'offraient à Plaute : ou se faire le continuateur des grecs, et améliorer un art mécanique dûment établi de l'intrigue et de la composition, ou bien faire éclater les vieux cadres, et réintégrer dans l'architecture comme dans le mouvement comique une fantaisie qui en modifie le caractère en le ramenant délibérément vers un autre chemin : celui d'un divertissement plus primitif, plus libre, et, partant, plus poétique. Cela dit, et au terme d'une juste analyse, comme l'a écrit Mlle Frété : « On ne peut reprocher [à Plaute] une composition hasardeuse [...] Ses pièces, même à la simple lecture, donnent le sentiment de la cohérence, de la clarté, de l'enchaînement serré et net [...] Une comédie de Plaute semble être une œuvre d'art, non seulement par le prestige du style, mais par l'architecture même de la synthèse dramatique. » Il suffirait de dire, au bout du compte, qu'il connaissait à fond son métier, celui qui consiste bonnement à réjouir son public, à force d'effets[...]
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Écrit par
- Barthélemy A. TALADOIRE : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines d'Aix-en-Provence
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