PLÉRÔME
Terme grec qui signifie « plénitude » et qui, dans cette acception, appartient à la langue classique. On le relève une quinzaine de fois dans le Nouveau Testament. On le rencontre aussi dans le néo-platonisme tardif, par exemple chez Damascius (au moins trois fois). Mais c'est le gnosticisme qui lui a donné valeur technique (et qui a influencé chrétiens et néo-platoniciens, qui s'en défendent).
Il n'est pas facile de discerner le sens technique du sens banal : on parle du plérôme de la divinité, c'est-à-dire de sa plénitude ; du plérôme du Christ, c'est-à-dire de l'abondance de ses dons ; du plérôme des temps, c'est-à-dire de leur accomplissement ; du plérôme universel, c'est-à-dire de la totalité des êtres. En fait, le sens gnostique transparaît dans toutes ces expressions.
Il y a plérôme là où l'unité et l'intégralité des principes spirituels commandent la constitution du monde ou le déroulement de l'histoire du salut ; là encore où se révèle dans le temps, notamment aux époques privilégiées (les « derniers temps »), le dessein complet de la sagesse divine. Le plérôme englobe l'Un-et-Tout qui fonde l'expérience, organise ses éléments, répartit ses médiations ; il embrasse tout ce qui concourt et contribue à la création, à sa cosmologie (dualisme du monde d'en haut qui est lumière et du monde d'en bas qui est ténèbres), à sa chronologie (divisions du temps, détermination astrologique des ères favorables ou défavorables), à la sotériologie qui accompagne l'ontologie (chute dans le monde des corps, retour au monde des esprits).
C'est probablement dans la doctrine de Valentin, gnostique égyptien (sous le règne de l'empereur Hadrien), que la notion de plérôme est le mieux exposée. Valentin emprunte à Platon (Timée, 37 c sqq.) son opposition de l'éternité et du temps, de l'Entité immuable, vivante (durée supratemporelle) et des entités mobiles (celles qui président aux périodes cosmiques) ; le plérôme, réunion de toutes les entités, ressemble au monde intelligible qui contient les prototypes du réel. Basilide, gnostique alexandrin (iie s.), fait du plérôme le monde de l'Esprit pur (qu'il subordonne à un dieu-qui-n'est-pas, à un absolu placé au-dessus de la catégorie de l'être).
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Henry DUMÉRY : professeur de philosophie à l'université de Paris-X-Nanterre
Classification
Autres références
-
CHIISME ou SHĪ‘ISME
- Écrit par Henry CORBIN et Yann RICHARD
- 9 396 mots
- 2 médias
...personnes de Lumière (shakhṣ nūrāni), les personnes du Prophète, de Fāṭima sa fille et des Douze Imāms. Leur ensemble est désigné comme le plérome des « Quatorze Immaculés » (ceux qu'aucune faute ni souillure ne peuvent atteindre). Le Prophète en représente donc le ẓāhir ou... -
GNOSTICISME
- Écrit par Pierre HADOT et Michel TARDIEU
- 10 625 mots
...dégradation du divin ? Il s'agit certes d'un thème commun à tous les systèmes du gnosticisme. Du Dieu transcendant, inconnu, indicible, émane un monde divin ou Plérôme, constitué d'un certain nombre d'entités ( généralement appelées « éons », c'est-à-dire « mondes » ou « périodes ») hiérarchisées et groupées...