PLINE LE JEUNE (61 env.-114)
La vie intellectuelle
L'autre grand intérêt de Pline était ce que l'on appelait « les études » c'est-à-dire, d'une manière très générale, la vie intellectuelle. Lui-même, a beaucoup écrit, mais, surtout, il a fréquenté tous les hommes d'étude qu'il a pu rencontrer : en Syrie, il recherchait la compagnie du stoïcien Euphratès ; à Rome, il écoute les conférenciers de passage, il lit beaucoup, historiens et orateurs, il se perfectionne dans l'éloquence par des déclamations, écrit et récrit avec soin ses discours ; il publia, par exemple, son réquisitoire contre les délateurs qui avaient perdu Helvidius Priscus ; ce discours était en même temps un pamphlet politique important. Nous possédons un exemple de son éloquence : le Panégyrique de Trajan, qu'il prononça comme consul au début de l'année 100, mais il est probable que le texte que nous lisons est un remaniement qui date, peut-être, du début du règne d'Hadrien (nous sommes ici dans le domaine de l'hypothèse). L'éloquence officielle, aux phrases complexes, souvent cicéroniennes, recouvre une pensée politique très ferme. Les éloges prodiguées à l'empereur définissent un véritable programme de gouvernement et une conception très nette du régime impérial : le prince est le « plus vertueux », le plus clément, le plus généreux, etc., et il tient sa mission, de la Providence. Une critique discrète des régimes antérieurs – ce qu'il ne faut pas faire – complète le tableau.
Pline fut aussi poète ; mais ses poèmes sont perdus. Il était fier d'un recueil lyrique d'Hendécasyllabes, de style apparenté à Catulle, qui lui avait coûté beaucoup de travail. Mais son œuvre principale est sa Correspondance, en dix livres (le dixième étant la correspondance avec Trajan), qu'il publia lui-même, après avoir retouché des lettres écrites à ses amis. Ces lettres sont comme le journal de sa vie, un journal qui ne serait pas totalement sincère. Les neuf livres de lettres privées contiennent deux cent quarante-sept lettres, qui traitent parfois d'incidents de la vie quotidienne et, parfois, sont de véritables dissertations, des éloges funèbres (comme la lettre sur la mort de Verginius Rufus ou sur le suicide de son ami Corellius Rufus), où Pline se révèle un moraliste stoïcisant, des descriptions dans le goût de la seconde sophistique (description d'une statuette, d'une villa, d'un paysage, comme les sources du Clitumne : la prose rivalise avec le pinceau ou le ciseau), des fragments de chronique ou des pages d'histoire (récit d'un grand procès politique, narration destinée à Tacite, comme celle de la mort de Pline l'Ancien). Parfois, nous y trouvons des portraits, parfois de simples anecdotes, traitées dans le mode ironique, comme l'histoire de cette chasse au sanglier où Pline, resté près des filets, n'eut guère comme tâche que de composer dans le loisir quelques vers. Il arrive que Pline agite avec un ami quelque question controversée, comme l'existence des spectres, ou évoque un fait divers récent. Il est significatif que cet homme, qui fut l'un des grands personnages du régime impérial, n'ait rempli sa correspondance que de menus événements ou discussions théoriques : les vrais problèmes du pouvoir n'étaient plus débattus en dehors de la maison impériale. La vieille liberté romaine avait péri, et l'on constate ici, plus nettement qu'à travers les affirmations de Tacite dans le Dialogue des orateurs, à quel point cette perte de la liberté a contribué à la décadence de la vie intellectuelle romaine.
Cette correspondance n'est pas datée ; il n'est pas même sûr qu'elle respecte l'ordre chronologique. On admet, depuis Mommsen, que le premier livre date de 96-97 ; le second comprend les lettres écrites entre 97 et 100, le[...]
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Écrit par
- Pierre GRIMAL : professeur émérite à l'université de Paris-Sorbonne, membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres
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