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PLURILINGUISME

Langage et société

Comme les premiers bilinguismes sont contemporains des premières migrations et des premiers contacts entre populations parlant des langues différentes, on ne saurait dater précisément l'époque à laquelle ils remontent. En Afrique, bien des sociétés connaissent de tradition la pratique de deux ou de plusieurs langues, pour des raisons d'exogamie par exemple ou, plus généralement, pour des raisons de commerce. C'est dans notre tradition que celui qui parle une autre langue est considéré comme un barbare.

Bien plus près de nous dans le temps et dans l'espace, différents processus ont contribué à la formation de groupes humains bilingues et plurilingues de plus en plus nombreux : au premier plan, il faut citer la création des États et la centralisation qu'elle entraîne généralement, ainsi que la généralisation de la scolarisation et l'extension des réseaux de communication, surtout par les grands moyens de diffusion que sont la presse, la radio et la télévision. Dans l'histoire européenne, par exemple, le développement des États modernes est étroitement lié à l'idée de nation et, à travers elle, à celle de langue nationale, symbole et instrument d'une unité qui entraîne le plus souvent l'assimilation progressive des groupes linguistiques minoritaires. Les mutations entraînées par le développement industriel et les modes de vie, généralement urbains, que ce développement requiert, semblent avoir pour corrélat la disparition à terme ou, en tout cas, l'extrême affaiblissement de langues qui ne sont pas celles de pouvoirs industriels. C'est le cas en France du breton, de l'ensemble des langues d'oc aussi. Mais, même dans les cas où, contrairement à ce qui s'est passé en France, de telles langues, dites minoritaires, ont bénéficié de moyens constitutionnels dès la première moitié du xxe siècle, leur emploi tend à se restreindre. Il en va ainsi du gaélique d'Irlande et du frison dans le nord de la Hollande.

Dans les États fédératifs multinationaux tels que la Fédération de Russie ou la Suisse, l'enseignement fondamental est donné dans la langue traditionnelle du territoire, mais une deuxième langue est toujours enseignée dès le niveau primaire. Dans de tels cas, une des langues, celle de la capitale politique généralement, ou celle des régions offrant le plus d'emplois, tend à être privilégiée, principalement dans les domaines administratifs et scolaires. À l'extérieur de l'Europe, la colonisation des grands continents a conduit à des situations linguistiques de complexités diverses dont on trouve l'exemple aux États-Unis ou au Canada. Dans les pays coloniaux, la langue scolaire et administrative fut généralement la langue officielle d'État du pays colonisateur : en Côte-d'Ivoire, le français ; en Inde, l'anglais, qui reste aujourd'hui la langue d'information commune aux différents États de l'Union ; en Afrique noire de même, où la langue la plus répandue est encore l'anglais. Dans les pays nouvellement indépendants, de l'Amérique centrale à l'Afrique et à l'Asie, les langues parlées sont multiples ; la définition récente des États y interfère avec les situations locales, à cause de la définition des langues de la scolarisation, des langues officielles, voire d'une ou de plusieurs langues dites nationales, qui peuvent être différentes les unes des autres et alourdissent des situations souvent déjà complexes.

La connaissance des rapports entre langage et société s'est approfondie en même temps que se développait, depuis les années 1960, la sociolinguistique dont ils constituent l'objet. L'extension récente de ce domaine de l'étude du langage est liée aux mouvements de revendication nés de l'inégalité sociale, marquée et aggravée comme elle l'est généralement[...]

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