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POÈMES, Emily Dickinson Fiche de lecture

Une quête mystique

Une autre constante de cette poésie est l'incessant emploi du paradoxe : le « je » du poème recouvre plusieurs identités, l'amour anticipe le paradis, mais l'au-delà ne vaut pas la vie terrestre. Le monologue devient dialogue avec l'absent, la parole s'écoule autour de blocs de silence : « Je suis en vie – je suppose – » ; « Je creuserai – jusqu'à ce que mon Tunnel/ Soudain s'ouvre sur le sien ». En fait, le véritable lieu poétique que définit Emily Dickinson est le théâtre du drame humain, au sens shakespearien du terme.

Chaque poème peut être considéré comme le fragment d'un autoportrait inachevé du poète. Tout s'imbrique comme dans un tableau cubiste, tout est plus profond, plus intérieur qu'on ne croit, la douleur devient manière de lire cet être « du Dedans » : « Il faut un Malheur – Sinon un deuil – Pour plier l'œil – À la Beauté – ». Le temps comme la joie, le beau s'abolissent à force d'évanescence. Cette poésie du perpétuel questionnement de la nature, du mystère, de l'âme, de la vie et de Dieu, cet « Amant imposant », forme un tourbillon d'images qui tente de lutter contre le vide, la déchirure, le néant : « Ce n'est pas que Mourir nous fasse si mal –/ Vivre – fait plus mal encore – »... Celle qui voulut être « gaie comme Lumière » modela « son Âme bizarre » en poèmes d'une rare audace : plus encore que la nouveauté stylistique, l'œuvre d'Emily Dickinson chante la vie et son insondable mystère.

— Claude-Henry du BORD

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de la philosophie, critique littéraire à Études, poète et traducteur

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