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POÉSIE DESCRIPTIVE

La description, qui peut avoir sa place dans toute poésie, a été cultivée dès les origines dans un souci d'ornementation : ainsi la description du bouclier d'Achille dans L'Iliade. Elle s'est aussi, plus particulièrement à certaines époques, constituée en genre poétique indépendant. Dans la première moitié du xviie siècle, à la suite de l'Italien Marino, certains poètes français s'attardent en descriptions infinies — tel Saint-Amant, auteur d'un Moyse sauvé qui lui attirera les sarcasmes de Boileau — et parfois parviennent à de belles réussites (La Mer de Tristan L'Hermite notamment, toute chatoyante d'images neuves). C'est surtout à la fin du xviiie siècle que tente de s'élaborer une poésie descriptive à but didactique (suivant le modèle virgilien, description et souci d'enseignement sont souvent liés ; ils l'étaient deux siècles plus tôt dans un poème tel que La Savoye de Peletier du Mans), et Marie-Joseph Chénier protestera, à l'exemple de Boileau, contre l'abus de la description dans son Discours en vers sur la poésie descriptive. Saint-Lambert écrit Les Saisons (1769), Roucher Les Mois (1779), et surtout Delille, marchant sur les traces de Virgile, tente de donner à la France une poésie didactique et pittoresque de la nature avec Les Jardins (1780), L'Homme des champs ou les Géorgiques françaises (1800), Les Trois Règnes de la Nature (1809). André Chénier élabore à son tour d'ambitieux projets (L'Hermès, L'Amérique) et laisse de beaux morceaux de poésie plastique, essentiellement sculpturale.

La révolution romantique tuera les prétentions scientifiques de la poésie, mais ses premiers auteurs (Lamartine, par exemple) sauront se souvenir des descriptions de Delille. Les suivants achèveront d'évacuer de la poésie le didactisme classique, mais, plus subtilement évocatrice ou mieux liée à l'expression lyrique intime, la description ne disparaît pas du champ poétique. Qu'on songe par exemple, chez Hugo, au « Rouet d'Omphale » dans les Contemplations, ou à la silhouette du manoir de Corbus et de sa grande salle dans « Éviradnus » (La Légende des siècles) ; chez Baudelaire, aux « Sept Vieillards » fantastiques (Les Fleurs du mal) ou aux « Veuves » plus réalistes (Le Spleen de Paris) ; chez Claudel, aux proses poétiques de Connaissance de l'Est ou aux Muses (ode dont l'idée première vient d'un « sarcophage trouvé sur la route d'Ostie » selon lequel sont dépeintes les neufs sœurs) ; chez Valéry même, du tableau de La Fileuse à la transposition du Cimetière marin ou du Platane. Et, lorsque le Nouveau Roman s'empare de la description comme d'une arme contre l'antique esthétique romanesque, on peut être bien sûr qu'il ne s'agit pas d'une résurrection de Delille ; mais de la recherche obscure et peut-être des prémices d'une nouvelle forme d'incantation qui attend encore sa forme poétique.

— Bernard CROQUETTE

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, maître assistant à l'université de Paris-VII

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