DIDACTIQUE POÉSIE
Poésie qui dispense un enseignement (philosophique, moral, scientifique, technique, etc.) en le parant des agréments propres à la poésie. Le vers, de par ses vertus mnémoniques, a été utilisé dès les origines pour fixer une leçon (oracles, sentences...) ; aux débuts de la littérature grecque, il y a Homère sans doute, mais il y a aussi Hésiode, qui fait dire aux Muses : « Nous savons conter mille mensonges pareils aux réalités, mais nous savons aussi, lorsque nous le voulons, proclamer des vérités. » Les Travaux et les jours sont un manuel de technique agricole et de morale pratique, La Théogonie un rappel et une mise en ordre des croyances héréditaires. On trouvera encore chez les Grecs, outre les apologues d'Ésope qui se rattachent très nettement au genre didactique, une poésie gnomique (Solon), une poésie philosophique (Xénophane, Parménide, Empédocle), une poésie astronomique et météorologique (Les Phénomènes et Les Pronostics d'Aratos). Mais c'est la littérature latine qui a donné les grands chefs-d'œuvre de la poésie didactique : le De natura rerum de Lucrèce, exposé de la doctrine d'Épicure, les Géorgiques de Virgile, consacrées aux travaux des champs et destinées à encourager un retour à la terre, l'Art poétique d'Horace, L'Art d'aimer d'Ovide. On notera encore les Astronomiques de Manilius, les Jardins de Columelle, qui aura des imitateurs parmi les poètes néo-latins, et la poésie chrétienne de Commodien et de Prudence. Après les morceaux de poésie gnomique et technique du Moyen Âge, après les tentatives de quelques poètes de la Pléiade (L'Uranie, ensemble de pièces météorologiques et astrologiques ; La Savoye, poème scientifique, de Peletier du Mans ; Les Météores de Baïf), après les fables de La Fontaine (dans la mesure où elles contiennent une moralité et dispensent une leçon) et L'Art poétique de Boileau, la poésie didactique connaît un regain de faveur au xviiie siècle avec Voltaire (Discours sur l'homme, Poème sur le désastre de Lisbonne), Saint-Lambert (Les Saisons), Roucher (Les Mois), Lebrun (Ode à Buffon, Odes sur les causes physiques des tremblements de terre), Delille (Les Jardins, L'Homme des champs ou les Géorgiques françaises, Les Trois Règnes de la nature), Chénier (L'Invention, fragments de L'Hermès et de L'Amérique). Si elle a tué un certain académisme et, pratiquement, les prétentions scientifiques de la poésie, la révolution romantique n'a pas porté à la poésie didactique le coup fatal que l'on dit parfois (il suffit de songer à Vigny) ; mais Baudelaire devait prononcer la sentence décisive en condamnant « l'hérésie de l'enseignement » : « La poésie ne peut pas, sous peine de mort ou de déchéance, s'assimiler à la science ou à la morale ; elle n'a pas la vérité pour objet ; elle n'a qu'elle-même. » C'est peut-être dans les slogans politiques et publicitaires qu'on pourrait aujourd'hui chercher un nouvel avatar de la poésie didactique.
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Écrit par
- Bernard CROQUETTE : agrégé de l'Université, maître assistant à l'université de Paris-VII
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