DÉGEL POÉSIE DU, URSS
1953 : les poètes Zabolotski, Smeliakov, Martynov sont en déportation ; Boris Sloutski et Naoum Korjavine ne sont pas publiés ; Akhmatova et Pasternak vivent de traductions. La poésie officielle, que ce soit celle du vétéran S. Kirsanov ou du jeune Evtouchenko, s'étale dans les journaux et couvre les pages de livres qui ne se vendent pas, traite de thèmes politiques, de la lutte des classes à l'échelle mondiale, dans un style hérité du moins bon Maïakovski. Chtchipatchev et Vanchenkine, qui emploient un registre plus intimiste, ne connaissent pas les grands tirages.
Après la mort de Staline, la première vague du dégel (1953-1954) voit la déroute de la poésie officielle, le triomphe de la poésie intimiste ; Essenine et Maïakovski sont lus par la jeunesse, qui y trouve une culture poétique de base. Le second dégel (1955-1956) voit l'instauration d'une coutume, le « jour des poètes », où les auteurs déclament leurs vers nouveaux et signent leurs livres dans les librairies. Un almanach est publié tous les ans à Moscou à cette occasion : Le Jour de la poésie. Un recueil de Leonide Martynov paraît. Evtouchenko se décide à élever le ton, à dénoncer, au nom de l'idéal révolutionnaire, la tyrannie et surtout la corruption stalinienne dans un poème, La Station hiver, et dans un cycle de poésies parues au début de 1957 dans La Jeune Garde. Le succès est considérable auprès du public. Evtouchenko et sa femme, la poétesse Bella Akhmadoulina, sont exclus de l'Institut littéraire et du Komsomol. Mais bientôt, c'est la troisième vague du dégel : 1959-1963. Evtouchenko fait paraître recueil sur recueil, devenant toujours plus incisif avec, en 1961, Babi Yar, diatribe contre l'antisémitisme ; en 1962, Les Héritiers de Staline ; il reçoit l'aide d'un jeune architecte, Andreï Voznessenski, élève de Pasternak, qui conquiert la notoriété avec son poème Les Maîtres (comment le tsar fit crever les yeux des constructeurs de cathédrales) et s'affirme, en 1960, avec Parabole et, en 1962, avec La Poire triangulaire, comme le meilleur des jeunes poètes. En 1962, pour la première fois, Akhmadoulina est publiée ; fin 1963-début 1964, ses deux poèmes La Pluie et Ma Généalogie exaltent la spontanéité, la sincérité, la fraîcheur et dénoncent les gendarmes du conservatisme à travers tous les temps. La popularité des jeunes poètes et des chansonniers (connus grâce au magnétophone) est à son comble et déborde le cadre d'un phénomène purement littéraire. En 1962, dix mille personnes saluent Evtouchenko partant en voyage à Cuba ; l'année suivante, les meetings poétiques du palais des sports de Moscou réunissent quatorze mille auditeurs. Désormais les jeunes poètes rencontrent des difficultés grandissantes : affaire de l'Autobiographie d'Evtouchenko en 1963 ; incidents autour de la Lettre à Essenine d'Evtouchenko, et campagne contre Voznessenski en 1965. Les poètes doivent accepter des compromis qui leur nuisent auprès de leur public. Mais, surtout, l'unanimité de 1959 autour des idées de « retour à Lénine », « hostilité au dogmatisme », « pureté révolutionnaire » a disparu. Les plus radicaux, les chansonniers Galitch et Kim, les poètes O. Brodski et Y. Galanskov, s'expriment clandestinement grâce au samizdat. Le réexamen des valeurs affecte non plus seulement Staline, mais, dans certains milieux intellectuels de la capitale, Lénine et Marx. Le retour à la spiritualité, que marquait dès 1960 le succès des poésies accompagnant le roman de Pasternak, Le Docteur Jivago, s'accentue. De Maïakovski et Essenine l'intérêt se reporte vers des poètes plus difficiles, Pasternak et Mandelstam. Dans les mêmes années, le lecteur devient plus exigeant, la censure plus sévère pour les allusions politiques, et les problèmes que se pose la société soviétique[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Claude KASTLER : agrégé de l'Université, maître assistant à l'université de Grenoble
Classification
Média
Autres références
-
AKHMADOULINA BELLA AKHATOVNA (1937-2010)
- Écrit par Encyclopædia Universalis
- 420 mots
Représentante de la poésie du dégel, avec Voznessenski et Evtouchenko, Bella Akhmadoulina fut l'une des grandes voix de la littérature soviétique de la quatrième génération qui s'épanouit pleinement après la mort de Staline. Son œuvre résolument individualiste, lui valut les critiques...
-
QUATRIÈME GÉNÉRATION, littérature soviétique
- Écrit par Jean CATHALA
- 479 mots
- 1 média
L'expression de Quatrième Génération, due au critique soviétique Alexandre Makarov, désigne les écrivains qui font leur entrée dans la littérature à la fin des années cinquante. Presque tous étaient à peine adolescents à la fin de la guerre. Élevés dans le culte de Staline, ils commencent à écrire...
-
VOZNESSENSKI ANDREÏ ANDREÏEVITCH (1933-2010)
- Écrit par Encyclopædia Universalis
- 748 mots
Le poète russe Andreï Andreïevitch Voznessenski fut l'un des plus grands écrivains de la Quatrième Génération, qui émergea en U.R.S.S. après l'ère stalinienne.
Né le 12 mai 1933 à Moscou, Andreï Andreïevitch Voznessenski passe sa prime enfance dans la ville de Vladimir. En...