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POÉSIES, Charles d'Orléans Fiche de lecture

L'assassinat de son père, Louis de France, duc d'Orléans, en 1407, le désastre d'Azincourt en 1415, et vingt-cinq ans de captivité en Angleterre : autant de malheurs qui, écartant Charles d'Orléans (1394-1465) des affaires du royaume, ont orienté vers la création poétique la vie du prince, retiré en sa cour de Blois à partir de 1440. Des événements vécus ne subsistent dans l'œuvre que des traces discrètes, la plus célèbre étant la ballade de Douvres (En regardant vers le pays de France). Dans les premières ballades, composées pour la plupart entre 1415 et 1440, année de sa libération, Charles d'Orléans s'inscrit en effet dans la tradition poétique de son temps ; il retravaille l'image de l'amour et de la dame telle que l'a forgée la lyrique des trouvères, revisitée par le Roman de la Rose au xiiie siècle et célébrée, au xive siècle, par Guillaume de Machaut. Les 344 rondeaux, écrits pour la plupart au retour de captivité, dans le milieu littéraire raffiné et festif de la cour de Blois, témoignent en revanche de la distance que prend alors le poète par rapport à la poésie courtoise.

Allégories de l'amour

Dans le manuscrit autographe du Livre de pensée, en forme de recueil que Charles d'Orléans n'a cessé d'enrichir et de remanier, l'œuvre s'ouvre sur un poème narratif, La Retenue d'Amours, dans lequel le poète devient rituellement le serviteur d'Amour. Les 70 ballades suivantes rythment les étapes d'une relation amoureuse très courtoise, vécue dans la douleur d'une prison aussi réelle que métaphorique – Prisonnier suis, d'Amour martir – soumise aux caprices de Fortune, placée sous le signe de Tristesse – En la forest d'ennuyeuse tristesse – qui s'achève avec la mort de la Dame et le renoncement à l'amour.

Exprimer les mouvements de la conscience et de la vie affective par le biais de personnifications est caractéristique de la poésie de la fin du Moyen Âge. L'usage qu'en fait Charles d'Orléans dès les premières ballades leur donne cependant une résonance toute personnelle. Par leur répétition – Nonchaloir, Mélancolie sont des mots clés de l'ensemble de l'œuvre –, par les images qu'elles cristallisent – « mon cœur est devenu hermite/en l'ermitage de pensée », « en la forest d'ennuyeuse tristesse, ou puits parfont de ma merencolie/l'eaue d'espoir que ne cesse de tirer », ou les situations dans lesquelles le poète les engage. Personnifications et métaphores aident à fonder les sentiments du moi dans l'univers concret, tissent un réseau d'échos et de rappels qui créent des effets de sincérité, écrivent et fixent l'image du poète, « escollier de merencolie », au creux de « son livre de Pensée ».

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Écrit par

  • : professeure de littérature française à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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