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POÉSIES, Charles d'Orléans Fiche de lecture

La fuite du temps, le retour des saisons

Les ballades 72 à 123, qui suivent la Departie d'amours (poème d'adieu à l'amour) sont de sujets et de tonalités plus variés. Parfois regroupées en cycle comme la ballade thème du « concours de Blois », je meurs de soif encouste la fontaine dont la version signée François Villon est également transcrite dans le recueil du duc, ces pièces déplorent la fuite du temps et ses effets. Portant harnoys rouillé de nonchaloir, le poète décrit, parfois avec beaucoup de réalisme, les coups répétés de Fortune, les douleurs de l'âge, le tarissement de l'inspiration, la nécessaire renonciation à l'amour.

Les 344 rondeaux qui ferment le recueil restent à juste titre la partie la plus connue de l'œuvre. S'y croisent pêle-mêle, dans une très grande diversité de registres, les motifs les plus variés : rondeaux sur les petits métiers, sur le retour des saisons (Yver, vous n'estes q'un vilain, et en écho, Le temps a laissié son manteau), sur le retour douloureux de la Saint-Valentin, demandes d'amour menées sur un mode plaisant, parfois grivois. Diversité et apparente légèreté masquent mal pourtant l'omniprésence de Mélancolie, de Vieillesse et l'appel contraint à la sagesse du cœur et des sens. De ballades en rondeaux, la thématique personnelle et l'image que le « je » forge de lui-même ne varient guère. Mais la forme brève du rondeau, où tout se joue en quelques vers et un refrain, impose l'extrême concentration du style, l'économie de la syntaxe et des mots (monosyllabes, interrogations sans réponse, interjections se multiplient), la perfection du rythme. Mieux encore, il suffit au poète de réinscrire dans le rondeau les mots clés de son univers pour que l'auditeur en restitue les harmoniques et cette tonalité en mineur qui donne son authenticité au « je » du prince poète.

— Emmanuèle BAUMGARTNER

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Écrit par

  • : professeure de littérature française à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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