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POÉSIES, John Donne Fiche de lecture

John Donne - crédits : Courtesy of the National Portrait Gallery, London

John Donne

John Donne (1572-1631) est sans doute le plus grand des « poètes métaphysiques » de l'âge élisabéthain, selon l'expression de Samuel Johnson, éminent critique du siècle des Lumières. Né de parents catholiques, l'auteur des Sonnets sacrés (1633) se rallie à l'Église anglicane en 1615, après une période de doutes. Malgré trois ans d'études à Oxford, il n'obtient pas son diplôme à cause de sa religion. Il gagne alors Londres, s'inscrit à Thavies Inn, puis à Lincoln's Inn, plus pour entrer dans le monde que pour y faire son droit. Il écrit ses premières satires, quelques élégies, certains des Chansons et sonnets et des « paradoxes » en prose. Poète de grand renom bien qu'il ne publie rien, Donne est élu au Parlement en 1601 : tous les succès s'offrent à lui. Mais après qu'il a épousé en secret Anne More, il se voit destitué à la demande de son beau-père. Chargé d'enfants et en butte aux ennuis d'argent, le poète traverse de longues années de désœuvrement. La mélancolie le pousse presque au suicide, ce qui lui inspire vers 1607, un traité de théologie, Biathanathos. Il s'engage alors dans la controverse entre Rome et l'Église anglicane et écrit de nombreux poèmes religieux. En 1611, il publie une satire contre les jésuites, s'attire quelques soutiens, mais le roi lui refuse toute autre charge qu'un emploi ecclésiastique. En 1615, lassé de ne rien obtenir, il entre dans les ordres. Alors qu'il est gravement malade, la tonalité de sa poésie devient de plus en plus religieuse. Il écrit des Hymnes et un journal intime, les Dévotions, où il transcende ses épreuves. Il prononce son dernier sermon en février 1631, devant le roi Charles Ier.

Une poésie métaphysique

Alors que l'imitation est un principe créateur récurrent au xvie siècle, John Donne prétend à l'originalité. Il exècre le pétrarquisme et les « sonnets sucrés », préfère s'inspirer d'Horace et de Sénèque, alors peu en vogue, et n'hésite pas à introduire le langage parlé dans ses vers. Ainsi, le ton des Satires est-il tantôt grave, tantôt caustique, la dérision alternant avec la foi en une vérité encore inconnue. Le poète se veut « rude et discordant » pour mieux traduire une expérience vécue. L'émotion traversant la conscience trouve un équivalent poétique adapté : l'auteur dialogue avec son lecteur, et au cœur d'une envolée lyrique n'hésite pas à insérer un passage prosaïque. Il applique ainsi le many style, le style viril, où l'accent est mis sur la réalité plus que sur la cadence mélodieuse ou la richesse de la rime. Donne affectionne les mélanges, les paradoxes, l'exploitation de registres différents, la polysémie. Ce style riche et tendu explore un large vocabulaire où le principe de comparaison se confond avec l'énumération d'emblèmes : compas, boussoles, cercles, cartes, gravures, le serpent image du Rédempteur, les ancres et les orgues. Toutes ces images sont intégrées à une exhaustive jubilation où « rien n'est trop haut, ni trop bas ». C'est cette permanente confrontation, sur fond de nostalgie et d'aspiration à connaître les sphères supérieures, à dire l'interdépendance du matériel et du spirituel qui caractérisent sa métaphysique : tout se tient, et comme il y a de nombreuses images, le sens déborde ; Donne ira en l'épurant et en l'orientant vers le spirituel.

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de la philosophie, critique littéraire à Études, poète et traducteur

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Média

John Donne - crédits : Courtesy of the National Portrait Gallery, London

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