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POÉSIES, Walther von der Vogelweide Fiche de lecture

Les poèmes gnomiques et politiques

La poésie gnomique est une poésie didactique recouvrant la plupart des domaines de la vie de l'homme médiéval. Dans ses Sangsprüche, Walther fustige les vices, condamne les mœurs dissolues et la décadence de la courtoisie, loue des vertus telles que l'hospitalité, la générosité, l'amitié véritable ; il dispense aussi des conseils sur l'éthique des seigneurs et des princes, l'éducation de la jeunesse. Il prône la modération en toutes choses. Il dénonce les agissements des mauvais conseillers et se lamente de la disparition de la vertu et de l'honneur : l'homme courtois est devenu la risée des jeunes chevaliers.

Dans ses poèmes politiques, Walther reste fidèle à l'idée impériale et prend parti pour celui qui lui paraît le plus apte à maintenir la cohésion de l'Empire. Il se trouvera ainsi au service de Philippe de Souabe – un descendant de la dynastie des Staufen – avant de passer, à la mort de celui-ci, au service du clan adverse, celui du guelfe Otton IV de Brunswick. On le retrouvera par la suite au côté de Frédéric II, qui l'investira du fief que Walther avait ardemment désiré tout au long de sa vie.

C'est sans doute contre le pape Innocent III et contre les clercs que les poèmes de Walther seront les plus virulents : à l'instar des vagants – dont il a partagé le mode d'existence pendant une vingtaine d'années – Walther accuse l'administration pontificale romaine d'avarice et de vénalité. Il reproche au pape d'installer des troncs dans les églises non pour organiser une croisade mais pour appauvrir les Allemands et remplir encore davantage les coffres de Rome. Il voit dans la prétendue donation de Constantin, texte qui se révélera être un faux, le poison qui, en conférant au pape la puissance séculière et le privilège de couronner l'empereur, a affaibli la position de celui-ci et anéanti le bon ordre qui régissait autrefois la chrétienté. À la corruption généralisée de l'Église, Walther oppose l'idéal du pieux ermite qui a abandonné toute prétention aux plaisirs et aux richesses de ce monde pour se consacrer à Dieu.

C'est ainsi que, sur la fin de sa vie, Walther affiche un scepticisme certain face à une époque qu'il croit vouée à la décadence ; l'un de ses plus beaux poèmes, traditionnellement appelé L'Élégie (« Las, où toutes mes années se sont-elles enfuies ? »), se fait l'écho de ce constat amer : « Hélas, comme les jeunes gens se comportent lamentablement, eux dont le cœur jadis était plein d'allégresse, ils ne connaissent plus que des soucis ! Hélas, pourquoi se conduisent-ils ainsi ? Où que j'aille dans le monde, personne n'est joyeux : la danse et le chant disparaissent tout à fait à force de soucis. Jamais chrétien ne vit troupe aussi misérable. »

Les richesses auxquelles aspire le poète ne sont plus les fiefs ni l'or des seigneurs ; c'est la palme des bienheureux que Walther souhaite porter, et il se déclare prêt à partir en croisade pour la conquérir par la lance.

— Patrick DEL DUCA

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Écrit par

  • : agrégé d'allemand, docteur (études germaniques), maître de conférences à l'université de Clermont-Ferrand-II

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