CAVALIERS POÈTES
Par une distinction sociale et politique plutôt que littéraire, on nomme poètes cavaliers, au milieu du xviie siècle, les poètes profanes, antipuritains, qui ont appartenu au parti royaliste. Successeurs de Ben Jonson, ils tirent de lui des exemples de sobriété et de régularité qui préparent le classicisme ; ils continuent aussi la tradition pétrarquiste et élisabéthaine par leur goût de la musique mariée à la poésie, mais en y mêlant quelque chose de l'ingénieuse dialectique « métaphysique » qu'avait pratiquée, avec plus de contention, leur grand chef de file, John Donne (1572-1631).
C'est précisément à celui-ci que Thomas Carew (1598-1638) a consacré une admirable élégie dont l'émotion et la profondeur critique font contraste avec le libertinage de son poème A Rapture et la frivolité élégante de ses madrigaux.
Sir John Suckling (1609-1642), grand joueur et beau galant, modèle du courtisan connaisseur en musique, en peinture et en poésie, n'est pas incapable de sérieux comme le révèle son savant traité An Account of Religion by Reason, mais se complaît dans des improvisations désinvoltes (Ballad upon a Wedding), dans un cynisme qui rappelle nos « libertins » : impliqué dans un complot, il passe en France et se suicide.
Richard Lovelace (1618-1658) prouve par deux emprisonnements et une fin misérable son attachement à la cause royaliste ; son talent est fort inégal mais rehaussé d'un certain panache, ainsi dans ce poème où, partant pour la guerre, il s'en excuse ainsi auprès de sa maîtresse : « Je ne pourrais pas, chère, aimer d'amour autant si je n'aimais pas l'honneur davantage. »
John Cleveland (1613-1658), très célèbre en son temps, imitateur zélé de Donne, retient moins notre attention par ses poèmes galants et contournés que par sa vigoureuse satire, The Rebel Scot, où il attaque la nation qui vient de livrer Charles aux parlementaristes ; il annonce John Dryden.
Lord Herbert of Cherbury (1538-1648), frère de George Herbert, peut prendre place ici en raison d'un pétrarquisme raffiné et par son élégie en mémoire de Donne, mais son attitude résolument philosophique le met à part.
On pourrait leur adjoindre James Shirley (1596-1666), dramaturge considérable, plus ou moins disciple de Ben Jonson, et à la rigueur Robert Herrick (1591-1674), musicien exquis, savant manipulateur, et, tout pasteur qu'il était, d'un savoureux anacréontisme.
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Écrit par
- Louis BONNEROT : professeur honoraire à la Faculté des lettres et sciences humaines de Paris
Classification
Autres références
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...double influence, celle de Donne pour les inventions alambiquées et celle de Ben Jonson pour l'art de versifier. Elle se fait surtout sentir chez les Cavalier Poets – Thomas Carew, sir John Suckling, Richard Lovelace et Robert Herrick (1591-1674), auteur de frais madrigaux dans sa jeunesse (Hesperides... -
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