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GEORGIENS POÈTES

Les poètes

Il n'est guère possible ici de rendre à chacun des georgiens la justice poétique qui lui est due. Les anthologies de Marsh contiennent trente-six noms, celle de Monro, soixante-dix-sept (pas tous du cru), une plus récente, celle de James Reeves, en retient une vingtaine, mais on peut en contester les lacunes. On se contentera de citer quelques noms.

A. E.  Housman et Thomas Hardy sont, en quelque manière, avec William Butler Yeats (1865-1939), des précurseurs. A Shropshire Lad, le célèbre recueil de Housman, fut un livre de chevet pour les georgiens. Il évoque, avec une élégante économie d'écriture, les paysages de son comté et exprime avec distinction un pessimisme ironique qui a longtemps passé pour de la profondeur. Il est, au fond, un classique attardé.

Hardy, plus direct, plus rustique et plus robuste, a écrit de nombreux poèmes. Wessex Poems (1898) est le plus connu de ses recueils. Sur des thèmes ou des anecdotes de la vie rurale, plus souvent versifiés que poétiquement émouvants, il fait peser une méditation large, parfois empreinte de l'émotion d'une expérience authentique, d'où se dégagent des vues désabusées. Quelques-uns de ses courts poèmes (« The Voice », « A Broken Appointment », « Neutral Tones ») ont une réelle grandeur.

Yeats est, quant à lui, un poète majeur, dont la longue carrière, commencée en 1888 avec The Wanderings of Oisin, s'étend sur plus d'un demi-siècle. Le mouvement georgien ne peut guère le revendiquer, mais son vaste fleuve poétique a pu un moment mêler ses eaux aux siennes. Irlandais avant tout, mystique donc, et jusqu'à l'ésotérisme, il n'a de commun avec les georgiens qu'une aspiration vers la réalité supérieure de la beauté transcendantale qui donne à ses poèmes une intensité personnelle rarement atteinte par ses contemporains. Il prend aussi des problèmes de son temps une conscience dramatique qui va bien plus loin que la tradition romantique, et qui l'apparente aux poètes de la nouvelle génération.

Avec Walter De la Mare (1873-1956), nous entrons dans le domaine enchanté du rêve féerique, où toutes les ressources du langage, des rythmes, des images sont mises au service de la magie poétique. Il s'insère dans la tradition de La Belle Dame sans merci de Keats, visionnaire hésitant au seuil des mystères de la sorcellerie, de l'enfance, de l'amour, de la mort, dans des paysages peuplés de chuchotements et d'oiseaux qui sont autant de symboles, parfois ironiques, et la fonction d'une telle poésie semble, non pas de donner un sens à cet univers, mais d'agir à la façon d'une incantation. Nous sommes en retrait du monde, en deçà ou au-delà des choses perceptibles, et la sensation, tendue, subtile, arrive à la conscience comme dans une lente fantasmagorie du rêve où les questions restent en suspens. Symbolisme feutré, mélodies enchanteresses, et peut-être délectation morose à jouer de ces sortilèges.

Enfant chéri de la poésie, précoce et séduisant, Rupert Brooke aurait pu être un vrai grand poète s'il n'avait été frappé d'une insolation dans l'île de Skyros. Si on a été cruel pour sa réputation poétique (le critique F. R. Leavis en particulier), c'est qu'il a trop cédé à la facilité, offerte aux poètes par la langue anglaise, et versé dans une sentimentalité un peu mièvre en exploitant ses nostalgies (dans le fameux poème « Grantchester », qui évoque un coin de verger délicieux sur les bords de la rivière Cam, où les étudiants de Cambridge vont flâner en été), ou, au contraire, chanté de nobles sentiments patriotiques dans quelques sonnets de guerre, dont le plus connu, et sans doute le plus valable, commence par ce vers célèbre : « If I should die, think only this of me... » (« Si je meurs, pensez à moi ainsi... »), et continue par[...]

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Écrit par

  • : doyen honoraire de la faculté des lettres et sciences humaines d'Aix-en-Provence

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Média

T. S. Eliot - crédits : Bettmann/ Getty Images

T. S. Eliot

Autres références

  • ABERCROMBIE LASCELLES (1881-1938)

    • Écrit par
    • 295 mots

    Poète et critique anglais qui se réfère au groupe des poètes géorgiens (Georgian poets), Abercrombie, après des études à Malvern College, dans le Worcestershire, et à Owens College à Manchester, devint journaliste et commença à écrire des poèmes. Son premier ouvrage, Interludes et poèmes...

  • BLUNDEN EDMUND (1896-1974)

    • Écrit par
    • 263 mots

    Après de brillantes études à Oxford, interrompues par la guerre, Blunden se fixe à Londres, en 1920, comme coéditeur de The Athenaeum, qui fut absorbé peu après par The Nation. Il fait partie du groupe des poètes georgiens. Ses poèmes, de forme classique, commencent à paraître dans les années...

  • DE LA MARE WALTER JOHN (1873-1956)

    • Écrit par
    • 285 mots

    Écrivain anglais qui se rattache aux poètes georgiens, Walter De la Mare fit ses études à Londres, à St. Paul's School, puis travailla, de 1890 à 1908, dans les bureaux londoniens de l'Anglo-American Oil Company. Cependant, à partir de 1902, date à laquelle il fit paraître Chants...

  • ELIOT THOMAS STEARNS (1888-1965)

    • Écrit par
    • 4 226 mots
    • 2 médias
    ...les joies du dépaysement, de la rêverie et de la suavité sentimentale à des lecteurs repus de biens matériels et assurés d'autres conquêtes. La poésie géorgienne (les périodes littéraires portent en Grande-Bretagne, on le sait, les noms des souverains) ne connaissait guère l'inquiétude. Spiritualité vague,...
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