POÉTIQUE
Structuralisme et sémiotique
À partir du début des années 1960, la poétique a connu un développement sans pareil, cela sous la double impulsion du structuralisme littéraire et de la sémiotique (ou sémiologie). Bien que son rayonnement ait été international, le structuralisme littéraire constitue la variante spécifiquement française de la poétique des années 1960 et 1970. Contrairement au New Criticism anglo-saxon ou à la Literaturtheorie allemande par exemple, il a accordé une place centrale à la linguistique, et plus précisément à la linguistique structurale (représentée surtout par les travaux de Jakobson, Hjelmslev et Benveniste), dans laquelle il ne cherchait pas seulement des outils analytiques mais aussi un idéal de scientificité. Enfin, il s'est voulu partie prenante d'un nouveau paradigme théorique – l'analyse structurale, incarnée de manière exemplaire par l'anthropologie de Claude Lévi-Strauss.
Contrairement au structuralisme, la sémiotique a été d'emblée un mouvement international, se développant d'ailleurs selon des voies très diverses : ainsi les sémioticiens américains (par exemple, T. A. Sebeok) ou italiens (U. Eco) se sont inspirés essentiellement de Charles Sanders Peirce, les chercheurs soviétiques se tournant plutôt vers la théorie cybernétique ; quant aux études sémiotiques françaises, elles se sont référées surtout à la sémiologie esquissée par Ferdinand de Saussure.
Les travaux de poétique entrepris dans le cadre sémiotique sont souvent difficiles à distinguer de ceux qui relèvent du structuralisme littéraire au sens strict du terme. Une différence subsiste néanmoins : si l'analyse structurale s'est évertuée à intégrer la poétique dans une théorie générale du langage, la sémiotique n'a vu là qu'un premier pas vers une théorie globale des signes. Certains poéticiens d'obédience sémiotique – par exemple, Iouri Lotman et ses collègues du cercle de Tartu – ont d'ailleurs traité la littérature comme un système sémiotique spécifique, irréductible au système linguistique. En France, la différence entre structuralisme et sémiotique est restée assez nette. Si les tenants du structuralisme littéraire (par exemple, R. Barthes, C. Bremond, G. Genette ou T. Todorov) se sont inspirés de certains postulats méthodologiques de la linguistique et de l'anthropologie structurales, ils n'ont guère tenté de formaliser l'appareil théorique utilisé ; en outre, ils ont toujours privilégié la démarche taxinomique, c'est-à-dire une analyse à prétention essentiellement descriptive. L'école sémiotique d'Algirdas-Julien Greimas en revanche a situé d'emblée ses analyses littéraires (par exemple, l'étude des structures du récit) dans le cadre d'un modèle sémiotique général très formalisé ; de surcroît, la théorie greimasienne a voulu avoir une validité non seulement descriptive, mais encore explicative (ainsi le modèle théorique du récit était censé rendre compte de la « génération » des structures narratives).
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Écrit par
- Jean-Marie SCHAEFFER : chargé de recherche au C.N.R.S.
- Tzvetan TODOROV : maître de recherche au C.N.R.S., docteur ès lettres
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