BURY POL (1922-2005)
À côté des jeux optiques, mécaniques ou cinétiques des artistes contemporains dont les œuvres sont, comme les siennes, liées à l'étude du mouvement, les sculptures de Pol Bury occupent une place singulière. Une invention créatrice très fertile, une technique parfaitement dominée, l'utilisation exclusive de structures géométriques anonymes d'une impeccable rigueur, à quoi s'ajoutent un très étonnant sens de l'humour et une vaste culture, lui permettent en effet d'apprivoiser le mouvement, de l'extraire de son anonymat physique et d'organiser son œuvre tout entière sur le phénomène de la lenteur. C'est ce qui a permis à Eugène Ionesco de parler à propos de Bury d'une « philosophie de la lenteur » (Pol Bury, Bruxelles, 1976). Un « absolu de la lenteur » qu'il reprend chez Gaston Bachelard et emprunte aux constellations, et qu'on peut envisager dès lors comme un processus mental, étant donné le travail sournois que celle-ci opère sur la mémoire. « La lenteur multiplie la durée, écrit Pol Bury, mais aussi donne à l'œil qui suit le trajet d'une boule la possibilité d'échapper à sa propre imagination de voyeur pour se laisser mener par l'imagination même de la boule voyageuse. Le voyage imaginé devient imaginant » (« Le Temps dilaté », in Strates, no 3, Bruxelles, 1964).
Né en 1922 à Heine-Saint-Pierre, en Belgique, Pol Bury, mêlé très jeune à tout ce qui dans son pays pouvait mettre en question l'univers conventionnel de la création, celui des lettres comme celui des arts, entre en contact avec les poètes du groupe Rupture, Achille Chavée et André Lorent et par leur intermédiaire avec les surréalistes bruxellois Louis Scutenaire et René Magritte. Il participe à l'Exposition internationale du surréalisme de Bruxelles en 1945, avec des peintures réalistes – Pol Bury fut peintre avant d'être sculpteur – où l'on peut lire déjà une certaine froideur distante vis-à-vis de la sensation et le goût de l'insolite. En 1949, Bury fut également un membre actif du groupe Cobra, aux côtés de Pierre Alechinsky et de Christian Dotremont, tandis que dans sa peinture l'image se transforme au profit d'une abstraction de plus en plus rigoureuse. Cependant, c'est dans les années 1950 que se situent les deux rencontres qui seront déterminantes pour le développement de ses recherches futures, l'œuvre de Gaston Bachelard et les mobiles de Calder. Il réalise alors une série de Plans mobiles qui peuvent se transformer suivant le bon vouloir du spectateur, et qui seront montrés à Paris lors de l'exposition Le Mouvement à la galerie Denise René en 1955, qui regroupe entre autres les œuvres de Marcel Duchamp, Calder, Agam, Vasarely et Tinguely. Avec les Multiplans, il crée ses premières œuvres à moteur aux mouvements irréguliers, et avec les Ponctuations, en 1959, il échappe définitivement au langage pictural. Installé depuis 1961 à Paris, Pol Bury élabore désormais un répertoire de formes sculptées extrêmement rigoureuses (ponctuations souples ou rigides, boules, cylindres, demi-sphères, cubes), accompagnées de moteurs puis d'éléments magnétiques, et fait du mouvement le centre de son propos. Un mouvement discontinu, décomposé, aléatoire, jusqu'à la lenteur la plus extrême qui devient à elle seule finalité de l'œuvre. Expérimentant successivement toute une série de matériaux – bois ciré, cuivre poli, acier inoxydable –, l'artiste donne volontairement à ses œuvres les titres les plus anonymes : 107 Boules de 6 volumes différents (1964, Stedelijk Museum, Amsterdam), 120 Boules sur un plan incliné (1968, musée d'Art moderne de la Ville de Paris), Escalier (1965, Solomon Guggenheim Museum, New York), 4 087 Cylindres érectiles (1972, Fonds national d'art contemporain,[...]
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Écrit par
- Maïten BOUISSET : critique d'art
Classification
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