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NEGRI POLA (1894-1987)

Pola Negri fut l'une des plus adulées et des plus excentriques, sinon des plus talentueuses, stars de l'écran. Elle peaufina dans une quarantaine de films, européens ou américains, son personnage de belle ténébreuse, de « dame en noir » au sex-appeal ensorceleur. Très admirée, dit-on, de Lénine et de Hitler, elle fut un temps la maîtresse de Charlie Chaplin, avant de tomber éperdument amoureuse de Rudolph Valentino, et de devenir une de ses « veuves » les plus éplorées. Avec Clara Bow, Mary Pickford, Gloria Swanson et Greta Garbo, elle est, la cinquième étoile majeure de la constellation hollywoodienne en son âge d'or – après avoir été l'une des reines du cinéma allemand.

D'origine polonaise, elle naît à Janowa, en Poméranie. Sa mère, de souche aristocratique, la pousse vers une carrière de danseuse. Elle sera l'élève de Michel Fokine, un émule de Nijinski. Pour ses débuts à la scène au Maly Teatr de Varsovie, elle troque son nom de Apolonia Chałupec pour le pseudonyme aux consonances latines de Pola Negri. Elle joue au théâtre à Berlin sous la direction de Max Reinhardt et se taille un joli succès en bayadère dans une pantomime orientale, Sumurun. Après avoir tourné plusieurs films en Pologne avec Alexander Mertz, elle rencontre Ernst Lubitsch, qui va devenir son réalisateur fétiche (Les Yeux de la momie, 1918, Carmen, ibid.). Elle incarne pour lui une Madame Du Barry (1919), affriolante à souhait, subjuguant Emil Jannings dans le rôle de Louis XV. Dès lors, sa voie est tracée : elle sera une maîtresse femme, à la sensualité dévorante. On la voit ainsi en Sapho, en Dame aux camélias et même en demi-mondaine de Montmartre (Die Flamme, 1922). Pola Negri se retrouve bientôt à Hollywood, métamorphosée par Lubitsch en Grande Catherine, dans Paradis défendu (1924) : ce sera un triomphe pour tous deux. Son abattage lui permettra de tenir la dragée haute à sa rivale de la Paramount, l'ombrageuse Gloria Swanson. De tempérament cosmopolite par excellence, Pola Negri se glisse avec la même aisance dans des défroques de Danseuse espagnole (dans un film d'Herbert Brennon tiré d'un roman de Blasco Ibañez, 1923), de chinoise élevée en Grande-Bretagne (À l'ombre des pagodes, de Raoul Walsh, 1925) ou d'espionne d'Europe centrale (Hôtel impérial, de Mauritz Stiller, 1927). Sa lascivité un peu ironique a quelque chose d'intemporel ; son charme kitsch s'accommode des intrigues les plus rocambolesques ; les extravagances de son jeu sont atténuées par les conventions dramaturgiques du « muet ».

Aussi bien l'avènement du parlant lui posera-t-il, comme à tant d'autres, quelques problèmes. Sa voix rauque la dessert. Boudée par l'Amérique, elle tente un come-back sur le vieux continent, dans un curieux mélodrame insulaire tourné dans les studios anglais par Paul Czinner, Son Dernier Tango. Puis on la retrouve en jeune patriote amoureuse de Napoléon III, dans un film français de Gaston Ravel, Fanatisme (1934) ; en femme déchue remontant stoïquement la pente, dans Mazurka de Willi Forst (Autriche, 1935) ; et enfin en Madame Bovary, très germanisée, dans le film de Gerhard Lamprecht, 1937. Des rôles qui impliquent, de son propre aveu, « un vaste registre d'émotion, allant de la naïveté juvénile à l'amour maternel, en passant par la passion charnelle et le désespoir ». Elle regagne les États-Unis au début de la guerre, et joue encore dans Hi Diddle Diddle de A. L Stone (1943). Suivra une longue éclipse, puis un retour aux États-Unis et, en 1964, une dernière apparition en croqueuse de diamants quinquagénaire, dans une production de la firme Walt Disney, La Baie aux émeraudes (1935).

Il reste de Pola Negri le souvenir d'une de ces « femmes fatales », aux yeux de velours et à la grâce serpentine, comme seul le cinéma des années 1920 sut[...]

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur émérite à l'université de Paris-I, historien du cinéma

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