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POLICE EN FRANCE DE 1814 À 1870

Plaire et contrôler

La République conservatrice (1849-1852) et le second Empire (1852-1870) constituent un temps de fixation dans l’enracinement de ce qui apparaît bien comme un « monde des polices » en France. Le fait est autant lié aux politiques de ces deux régimesqu’aux lents déplacements sociaux, économiques et culturels. Le régime de Napoléon III a longtemps été qualifié d’État policier, non sans raison. La surveillance politique s’intensifie. Elle mobilise tous les fonctionnaires, et les agents chargés de mission de police en particulier. En 1855, le second Empire crée la police des chemins de fer, chargée de surveiller les opposants, légitimistes et surtout républicains, à l’échelle nationale. Bien que leurmontant soit insaisissable, les fonds secrets, destinés au financement des espions et des indicateurs, sont augmentés, et l’exercice de la police politique gagne en intensité. Sur le terrain, l’encadrement s’accroît. À Paris, le nombre des sergents de ville est multiplié par trois pour atteindre près de quatre mille agents. La police de Lyon, ville rebelle, a été étatisée dès 1851 et il est décidé, en 1855, que les polices urbaines des chefs-lieux de plus de quarante mille habitants seraient à leur tour étatisées sur le modèle parisien, c’est-à-dire que les préfets concernés seraient dotés pour celles-ci des mêmes pouvoirs que le préfet de police de Paris. L’effort porte aussi sur les campagnes : très vite, le projet d’une brigade de gendarmerie par canton est réalisé, tandis qu’en 1852 et en 1854, le gouvernement décide d’installer un maillage de commissaires centraux, cantonaux et départementaux. Il ne faut pas exagérer la portée de ces politiques : les décisions concernant les commissariats sont abandonnées en 1855. Néanmoins, le nombre des brigades de gendarmerie s’est accru de 51 p. 100 entre 1830 et 1853 (pour une hausse de 10 p. 100 de la population française), et la présence policière s’est renforcée : dans le Puy-de-Dôme par exemple, même si beaucoup ne seront pas maintenus, seize brigades de gendarmerie et six commissariats sont créés dans les années 1850.

S’en tenir à ces seules considérations répressives serait toutefois une erreur : conscient de la demande croissante de sécurité, de l’exigence déjà ancienne de transparence et de l’intérêt pour le régime – dans le sillage du libéralisme politique précédent – de faire accepter ses forces de police, le second Empire met en œuvre un programme policier plus ambigu. La formule de l’historien de la gendarmerie Jean-Noël Luc le résume bien : « Surveiller et séduire ». En témoignent les emprunts faits aux expériences étrangères, notamment à celles qui sont jugées les plus « libérales » et soucieuses des libertés politiques, en Grande-Bretagne par exemple. Les croisements peuvent être complexes : à Lyon, l’accroissement du nombre d’agents en uniforme dans les années 1850 a trois « origines » : Londres (pour le nombre d’agents), Genève (pour le caractère militaire) et Paris (pour l’organisation). Leur fonction est là clairement répressive. Mais l’emprunt peut être plus direct : la réforme de la police municipale parisienne de 1854 s’inspire largement du bobby londonien. Les agents, dits ostensibles, circulent désormais dans la ville selon la pratique de l’îlotage, au contact direct des habitants. Ils ont pour mission à la fois d’éviter le retour des émeutes, de prévenir les troubles, mais aussi de se faire accepter de la population. De tels emprunts ne doivent pas étonner : ils prolongent le vaste courant transnational de discussion et de diffusion policière qui a débuté au xviie siècle. De plus, ces réformes s’inscrivent dans le moment européen qui suit le « printemps des peuples », qu’on a pu qualifier de « libéral-étatisme ». Dans ce cadre, la France conserve ses spécificités[...]

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