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POLICE SOUS L'ANCIEN RÉGIME

Du Moyen Âge à la fin de l' Ancien Régime, la police dépend étroitement de la justice. Les frontières entre les deux domaines restent longtemps mal délimitées. Loin de constituer une administration unique et « nationale », les pouvoirs de police sont émiettés entre plusieurs acteurs. Outre les seigneurs détenteurs de droits de justice et responsables du maintien de l'ordre, les villes disposent du droit d'assurer la police à l'intérieur de leurs murailles et sur le plat pays qui dépend de leur juridiction. La monarchie tente progressivement de dominer le tout. Les plus hautes cours de justice du royaume – ainsi les parlements – ont des pouvoirs de police, comme nombre de représentants du roi dans les provinces (les intendants de « justice, police et finances », par exemple), mais la diversité des autorités de police et l'enchevêtrement des juridictions restent des traits majeurs jusqu'à la Révolution française. On peut même considérer qu'en pratique la police constitue d'abord un « fait municipal » sous l'Ancien Régime, même si les juristes de l'époque font de celle-ci un des éléments de la souveraineté monarchique.

<it>Le Traité de la police</it>, Nicolas Delamare - crédits : Bibliothèque nationale de France

Le Traité de la police, Nicolas Delamare

À la différence de la justice qui agit au nom de l'exemplarité de la loi, la police constitue un pouvoir fondamentalement pragmatique qui doit savoir s'adapter aux multiples circonstances de la vie en société. Ses règlements, ou ordonnances de police, couvrent des domaines qui excèdent de beaucoup le seul maintien de l'ordre, la préservation de la sécurité des personnes et des biens. Le Traité de la police (1705-1738) du commissaire au Châtelet Nicolas Delamare (1639-1723), véritable « best-seller » européen, présente le détail de ces « matières de police » qui englobent notamment la religion, les mœurs, l'assistance aux pauvres, mais aussi la voirie, l'approvisionnement, la réglementation des métiers, et, bien entendu, la « sûreté ». Certains objets de police, comme les « vivres », revêtent une importance fondamentale pour le maintien de l'ordre traditionnel en tous lieux. En garantissant la régularité des approvisionnements et le prix des subsistances, on prévient le risque d'émeutes frumentaires et on met en œuvre le pacte qui lie le roi nourricier à ses fidèles sujets.

La police traditionnelle fonctionne d'abord dans le cadre des structures de voisinage des villes. Ces relations de proximité jouent un rôle essentiel dans les régulations sociales. De ce point de vue, la situation parisienne, qui accorde un pouvoir croissant aux juges royaux au détriment des prérogatives de la Ville, représente plutôt une exception précoce. L'édit de mars 1667 qui institue la charge de lieutenant de police à Paris, représentant direct du roi, illustre et renforce cette exception. Mais, contrairement aux interprétations longtemps proposées par les historiens, l'édit d'octobre 1699 qui crée de semblables charges de lieutenant dans les principales villes du royaume ne constitue pas l'amorce d'une uniformisation sur le modèle parisien dans le domaine de la police. Le pluralisme provincial sut en effet préserver son originalité. Cependant, si la diversité demeure, l'ancien régime policier n'est pas pour autant immobile. On assiste progressivement, au siècle des Lumières, au développement de méthodes policières spécifiques, à la constitution de véritables groupes de professionnels de la sûreté et du maintien de l'ordre, distincts des officiers de justice. Avant même la Révolution française, la police avait commencé à renforcer son autonomie vis-à-vis de la justice.

Les fondements : magistrats urbains et police de voisinage

La police ordinaire est d'abord mise en œuvre par les municipalités. Les corps de villes – échevinages, consulats ou autres – peuvent être confrontés aux pouvoirs[...]

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<it>Le Traité de la police</it>, Nicolas Delamare - crédits : Bibliothèque nationale de France

Le Traité de la police, Nicolas Delamare