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POLICE SOUS L'ANCIEN RÉGIME

L'exception parisienne

Paris ne se distingue a priori nullement des autres villes du royaume, tant la diversité des pouvoirs de police s'y retrouve. La juridiction royale du Châtelet, dont le poids ne cesse de s'affirmer depuis la fin du Moyen Âge, joue toutefois un rôle fondamental dans la construction d'une police qui s'émancipe progressivement de la tutelle judiciaire. D'abord à travers la valorisation des fonctions du prévôt de Paris au xve siècle, qui devient à la fois le chef d'une administration « locale » , de la plus importante ville du royaume et d'Occident et un proche du pouvoir royal. Dans les années 1630, le renforcement des pouvoirs du lieutenant civil du Châtelet conforte cette emprise des agents royaux sur l'administration de la ville. La création de la lieutenance de police en 1667, qui devient lieutenance-générale en absorbant les dernières justices seigneuriales parisiennes en 1674, constitue une autre étape fondamentale dans ce processus institutionnel et politique.

La dynamique des années suivantes est favorable à l'accroissement des prérogatives du lieutenant-général de police, qui est compétent à l'échelle du royaume pour des domaines aussi divers que les vivres ou la censure des imprimés. Malgré tout, la police parisienne reste morcelée entre plusieurs institutions. Le Parlement détient des pouvoirs réglementaires importants et exerce sa tutelle sur les lieutenants du Châtelet ; la municipalité fait valoir ses droits de police sur le commerce fluvial, sur les activités et les espaces qui bordent la Seine. Il faut encore se garder d'oublier les prérogatives du secrétaire d'État à la Maison du roi, qui est « ministre de Paris ». Ce dernier a notamment la main sur les forces armées, qu'il s'agisse des troupes de la Maison militaire du roi (mousquetaires jusqu'en 1776, gardes suisses, gardes françaises) ou de la garde de Paris, troupe de professionnels soldés apparue lors de la réforme de 1667 et qui se substituera définitivement en 1771 à l'ancien guet royal, hérité du Moyen Âge, réformé au xvie siècle, composé d'officiers propriétaires de leur charge. La situation parisienne tend pourtant à se distinguer de celles des autres villes par le lien étroit qui existe entre le gouvernement royal et certains acteurs du système policier parisien. Depuis le premier lieutenant-général de police, Gabriel Nicolas de La Reynie (1667-1697), ces magistrats nommés et révoqués en Conseil royal ont un accès direct à la personne du roi, ce qui leur donne presque rang de ministre et témoigne de l'importance que la gestion de la capitale pouvait revêtir aux yeux des souverains. La carrière politique de plusieurs lieutenants-généraux au xviiie siècle, une fois sortis de charge, illustre cette proximité avec les sphères gouvernementales : Antoine de Sartine sera ainsi secrétaire d'État à la Marine (1774-1780) après avoir été lieutenant-général de police pendant quinze ans (1759-1774). Cet assujettissement de la police parisienne à la volonté monarchique a beau demeurer incomplet avant 1789, le contrôle s'avère néanmoins étroit et l'importance du lieutenant-général de police et de ses subordonnés est incontestable à la fin du xviiie siècle.

À l'échelle des vingt quartiers de police, définis en 1702, qui se surimposent aux anciens quartiers municipaux, on retrouve, comme ailleurs, le poids des notables locaux et des régulations de voisinage, mais aussi le rôle croissant des agents de la lieutenance-générale qui œuvrent au « service du public ». Le lieutenant-général de police dispose dans les quartiers de quarante-huit commissaires enquêteurs examinateurs, premiers juges et policiers, la diversité de leurs attributions illustrant le partage encore imparfait entre les deux types d'activité. Ils sont secondés par quarante inspecteurs,[...]

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<it>Le Traité de la police</it>, Nicolas Delamare - crédits : Bibliothèque nationale de France

Le Traité de la police, Nicolas Delamare