POLICE SOUS L'ANCIEN RÉGIME
La convergence des évolutions au temps des Lumières
Au cours du xviiie siècle, les municipalités et l'administration royale partagent les mêmes interrogations sur la manière d'améliorer l'action des forces de police, de leur conférer un caractère professionnel, de les doter des instruments écrits qui renforceront leurs moyens de vérification et de contrôle. Dans les cités qui connaissent la plus forte croissance – capitale, villes portuaires et aux fonctions commerciales développées, villes frontières –, une communauté de problèmes liés à l'ampleur des mobilités et aux conséquences de l'expansion pousse à expérimenter et à adopter des solutions plus ou moins convergentes. On assiste à des tentatives de redécoupage du territoire urbain à des fins policières pour mieux contrôler espace et population (Paris, 1702 ; Lille, 1709 ; Lyon, 1745). On constate l'essor de forces de police active, professionnalisées, organisées selon des modèles militaires (armement, port de l'uniforme). Le souci d'assurer le paiement régulier des fonctions de police pour garantir leur continuité se manifeste de plus en plus fréquemment, même si les solutions peinent à s'imposer.
Les thèmes couverts par les nombreuses ordonnances de police témoignent de la prise en compte de nouvelles préoccupations dans le domaine de la santé publique, de l'hygiène, de la circulation, de l'éclairage public ou de la prévention des risques. Ces règlements expriment l'aptitude modernisatrice des échevinages. Certains événements, par exemple la peste de Marseille en 1720 et son cortège de mesures préventives, jouent entre les villes un rôle de catalyseur et d'uniformisation de dispositifs policiers. Les mesures qui visent la surveillance des migrants, l'identification des personnes, le contrôle des flux de marchandises restent en place une fois la crise passée.
L'addition de ces transformations et les textes qui cristallisent les efforts de réorganisation déterminent, dans les années 1770-1780, un véritable cycle de réforme des polices urbaines. Les ruptures ne sont pas nécessairement brutales ; des compromis sont souvent recherchés, comme à Toulouse, à Besançon ou à Valenciennes, entre des méthodes, des missions nouvelles, d'une part, et des cadres ou des acteurs plus traditionnels, d'autre part. Mais les aspirations modernisatrices se rencontrent partout dans les villes de quelque importance. Toutes ces évolutions illustrent la déliquescence progressive des anciennes formes de régulation sociale, fondées sur les voisinages et le service gratuit à la communauté. Elles manifestent aussi l'autonomisation croissante de la police, qui dispose de ses propres « métiers » , à l'égard du creuset judiciaire qui les hébergea longtemps. La Révolution, sans remettre en cause le primat des villes et l'exception parisienne, contribue cependant à une clarification institutionnelle encore imparfaite en 1789.
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Écrit par
- Vincent MILLIOT : professeur d'histoire moderne à l'université de Caen
Classification
Média