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POLICE SOUS LA IIIè RÉPUBLIQUE

Recrutement et formation

Toutes ces transformations posent la question de la professionnalisation des métiers de police, et donc celles du recrutement et de la formation des policiers.

Assuré par les maires pour les polices municipales, le préfet de police pour la préfecture de police à Paris, l'État pour la Sûreté générale et les polices municipales étatisées, le recrutement des policiers souffre, longtemps, de son caractère essentiellement militaire. En effet, depuis les lois de 1872 instaurant le service militaire obligatoire, une proportion importante des emplois de policiers constituent, pour des raisons stratégiques, des postes « réservés » aux soldats ou sous-officiers ayant accompli cinq ans de service. Tout le monde se plaint de l'inadéquation à leurs fonctions des policiers issus de ce recrutement qui, par ailleurs, marque profondément et durablement un corps caractérisé, de façon quasi caricaturale, par des traits physiques, des comportements, un vocabulaire, des mentalités issus du monde militaire. « Rien n'est plus néfaste pour la police que l'obligation d'embaucher les sous-officiers de carrière », écrit le docteur Edmond Locard, créateur en 1910 du laboratoire de police scientifique de Lyon, et cet avis est largement partagé. Mais, en dépit de demandes et tentatives multiples, cet état de fait perdurera jusqu'aux années 1950.

Il revient donc à la formation de compenser les défauts d'une telle situation. D'autant que, du fait des mutations induites tout à la fois par la naissance et le développement de la criminalistique – « Le policier nouveau modèle doit être chimiste, biologiste, photographe, médecin... », écrit en 1917 un médecin dans un article du Temps –, par les tactiques élaborées de maintien de l'ordre et par l'analyse et la synthèse des informations sociales, économiques, politiques pour éclairer préfets et gouvernement, les policiers doivent être formés à des métiers de plus en plus compliqués et spécialisés. La qualité et l'efficacité de la police en dépendent, et cette évolution rejoint les revendications corporatives des plus lucides des policiers, qui y voient un moyen de gagner respectabilité, reconnaissance et autonomie.

La première initiative dans ce domaine date de juillet 1883, avec la création de l'École pratique de police municipale par la préfecture de police. Ne concernant que les gardiens de la paix dont le degré d'alphabétisation, souvent catastrophique, nécessite une mise à niveau, elle vise à doter les nouveaux gardiens de quelques rudiments professionnels et de quelques notions d'orthographe avant de les lâcher sur la voie publique. En dépit de la modestie de ses objectifs et de la faiblesse de ses moyens, elle n'en représente pas moins la première réalisation concrète d'une volonté de professionnalisation de la police.

Successeur de Lépine, Célestin Hennion, premier policier de métier à occuper de hautes responsabilités, a d'autres exigences et idéaux : « L'intérêt bien compris d'une démocratie commande d'élever le niveau de la police et non de l'abaisser. [...] « C'est à l'école de police que les fonctionnaires apprendront à penser par eux-mêmes [...] à comprendre l'importance de leur fonction et les services qu'elle peut rendre à la collectivité. » C'est donc pendant son court séjour boulevard du Palais (1913-1914) que l'École pratique professionnelle des services actifs de la préfecture de police voit le jour. Inaugurée le 25 mai 1914, elle instruira gardiens et inspecteurs nouvellement promus pendant six mois et dispensera des cours de perfectionnement pour tous les candidats à une promotion. Cet enseignement est imprégné d'une morale toute républicaine : « Nous n'enseignerons pas seulement à nos agents la technique de leur fonction. [...] Nous leur enseignerons aussi les grands devoirs d'égalité envers tous, de bonté[...]

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Alphonse Bertillon - crédits : Apic/ Getty Images

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