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POLICE SOUS LA IIIè RÉPUBLIQUE

La pérennité de la préfecture de police

Si la IIIe République n'ose pas remettre en cause le principe municipal de la police par une étatisation générale, elle se garde bien de toucher à un héritage napoléonien pourtant en contradiction avec les principes de 1789. Pour des raisons essentiellement politiques – tenir la population d'une ville qui n'a cessé d'imposer ses volontés à la France –, le Premier consul avait doté la capitale d'une préfecture de police capable de contrebalancer la puissance inquiétante du ministère de la Police générale. Si ce dernier n'a pas survécu aux avatars politiques du xixe siècle, tous les régimes qui se sont succédé depuis 1800 ont conservé la préfecture de police, ce véritable État dans l'État. La IIIe République ne fait pas exception à la règle. La chose est pourtant loin d'aller de soi, surtout après le rôle politique que la préfecture a joué au service du pouvoir sous le second Empire. Comment une police qui a symbolisé l'arbitraire d'un régime discrédité a-t-elle pu lui survivre ? Dès le 4 septembre 1870, l'arrivée au pouvoir de ses anciennes victimes laisse présager le démantèlement d'une « institution consulaire qui est la honte de la République ». Le nouveau préfet de police Émile de Kératry propose « la mise à l'étude immédiate de la suppression et de la liquidation de la préfecture de police [...] La concentration entre les mêmes mains des attributions du préfet de police [...], indispensable sous un gouvernement personnel, est au moins superflue sous un régime franchement libéral et peut, à un moment donné, devenir dangereuse ». La suite des événements, la Commune, les tentatives de subversion et les attaques dont le régime allait être la cible, la situation particulière et sensible de Paris expliquent la découverte par les républicains de gouvernement puis par les radicaux que, même « sous un régime franchement libéral », cette concentration était loin d'être « superflue ». Paris va donc conserver une situation particulière en matière de police, et la France ce paradoxe : la police d'une seule ville est plus nombreuse que la totalité des polices des autres villes ; son chef, le préfet de police, est plus puissant que le directeur de la Sûreté générale au ministère de l'Intérieur, dont la préfecture devrait dépendre. Dans le but de rééquilibrer ces deux entités et de mettre fin à une concurrence dont l'affaire Stavisky a largement démontré les conséquences, une « réformette » transforme, au printemps de 1934, la Sûreté générale en Sûreté nationale, mais ne met pas en œuvre les réformes suggérées par différentes commissions pour mettre un terme à ce dualisme.

Déchirée entre les exigences contradictoires d'un électorat de plus en plus attentif aux problèmes de sécurité, le souci de reprendre en main un appareil policier qui lui échappe en partie et l'obligation de respecter les libertés républicaines et les pouvoirs locaux, la IIIe République a contribué à mettre en route une rationalisation, une spécialisation, une professionnalisation, une étatisation et une centralisation qui semblent constitutives de la modernité policière. Comment l'édifice allait-il résister aux exigences et aux réformes d'un régime né de la défaite de juin 1940 et désormais aux mains des ennemis de la République ?

— Jean-Marc BERLIÈRE

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Alphonse Bertillon - crédits : Apic/ Getty Images

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