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POLITIQUE La communication politique

Si la révolution de l'information et de la communication qui a pris naissance au xxe siècle présente la même portée que la révolution industrielle du siècle précédent, en permettant l'émergence d'une production immatérielle en voie de supplanter la production matérielle au moins dans les sociétés dites avancées, alors il n'est guère surprenant que la vie politique elle-même soit affectée par ces transformations sociales profondes. Sans qu'il soit nécessaire d'accepter le déterminisme technologique, il faut bien convenir que la télé-socialité ne pouvait que faciliter l'éclosion d'une télé-politique où les contraintes physiques de temps et d'espace sont levées. La déterritorialisation partielle du politique, déjà sensible, permet-elle le développement d'une para-socialité voire d'une pseudo-socialité ? C'est là une question à laquelle les générations futures seront encore plus nettement confrontées. Ce qu'on peut déjà observer, en revanche, c'est la transnationalisation du politique qu'autorisent les médias électroniques.

C'est assez dire combien la communication, prérequis du lien social, assure en grande partie l'articulation du social au politique et donc qu'on aurait tort de rabattre la communication politique sur ses conditions techniques de production comme le discours ambiant y incite trop facilement. La communication politique est un problème aussi vieux que celui de la cité et il suffit de se souvenir du rôle attribué au langage chez les premiers penseurs de la cité antique pour comprendre cette consubstantialité qu'Aristote pointait en définissant l'être humain comme un animal à la fois politique et symbolique. Certes, on n'appelait pas cela « communication politique » mais rhétorique, argumentation, persuasion ou délibération et la dénomination ici importe peu. Ce qui importe, c'est de comprendre qu'on est en présence d'une très vieille interrogation dont la révolution récente n'a fait que renouveler les termes.

Il est ici hors de question de refaire l'histoire d'un processus aussi fondamental. D'autres l'ont fait, au moins en termes de reconstruction philosophique du principe de publicité. Jürgen Habermas a montré comment l'espace public, en tant que mode d'exercice public de la raison, a traversé des périodes de déploiement, comme celles de l'Âge classique et des Lumières, et des périodes de rétraction, comme le Moyen Âge ou l'ère des démocraties de masse. D'autres approches mettent l'accent sur les formes plus récentes de la communication politique telles que l'élection et l'avènement de la démocratie représentative qui voit se mettre en place l'organisation de campagnes électorales prémodernes (à partir du milieu du xixe siècle jusqu'aux années 1950), modernes (des années 1960 à la fin des années 1980) puis postmodernes. Selon Pippa Norris, il ne s'agit pas d'un développement linéaire comme le montre la phase postmoderne où les technologies numériques autorisent un « activisme local typique des campagnes prémodernes et des formes nationales et passives de communication typiques de la phase moderne ». Pour Bernard Manin (Principes du gouvernement représentatif, 1995), les métamorphoses de la démocratie représentative qui traverse le parlementarisme, la démocratie de partis puis la démocratie du public s'accompagnent de modifications caractéristiques de la communication politique.

Jay Blumler, resserrant encore davantage la focale sur le dernier demi-siècle, où explose la communication politique, considère que la télévision est le média dont la domination entre les années 1960 et la fin de la décennie 1980 constitue le marqueur de trois temps successifs qui rejoignent ceux de Norris. Cette évolution[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-I, Centre de recherches politiques de la Sorbonne

Classification

Média

Ségolène Royal à Brest, mai 2007 - crédits : Bertrand Guay/ AFP

Ségolène Royal à Brest, mai 2007

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