POLITIQUE La communication politique
Des techniques aux pratiques
Mais la communication politique s'est modernisée aussi et d'abord à partir des médias de masse comme la presse écrite, la radio, la télévision qui ont profondément bouleversé les conditions de la vie politique en diffusant de façon industrielle des messages partisans à des publics massifs, hétérogènes et anonymes. L'interconnaissance qui réglait souvent les loyautés politiques individuelles ou collectives a fait place à un rapport para-social particulier fondé sur l'intermédiation médiatique. Les techniques d'observation sociale comme les enquêtes d'opinion, quantitatives avec les sondages et qualitatives avec les entretiens individuels ou collectifs, ont également permis aux acteurs politiques de s'ajuster les uns aux autres et d'enregistrer les climats d'opinion pour mieux les anticiper et les piloter. De telle sorte que les pratiques stratégiques ont pu se développer sur la base de cette connaissance réputée plus objective, cela d'autant que les experts en médias, en sondages et en stratégie de campagne spécialisés en publicité, marketing, collecte des fonds, management de l'information (spin doctoring), gestion des fichiers ont pu ainsi faire émerger une véritable « industrie politique » dont l'ampleur et l'institutionnalisation dépendent forcément des règles du jeu ambiant.
On comprend que le financement de ces activités et leur professionnalisation ont pour conséquences liées l'intervention d'auxiliaires du jeu politique et le renchérissement des coûts de l'action politique. Les démocraties se sont alors dotées de dispositifs juridiques pour encadrer voire freiner la mise en place de processus pervers comme la marchandisation de la communication politique et le poids croissant de l'argent dans la politique en général. À titre d'exemple, citons en France les plafonnements de dépenses électorales, des limitations ou des prohibitions concernant le recours à certaines pratiques publicitaires (audiovisuel, affichage), à la publication de résultats de sondages dans la phase finale des campagnes électorales (en France depuis 1977), aux campagnes de communication de la part d'édiles locaux dont on redoute qu'ils n'exploitent les deniers publics à des fins de campagne personnelle.
Les pratiques mises en œuvre par les gouvernants et les gouvernés montrent clairement, toutefois, que la technique ne suffit pas à régir les usages qui se montrent en fait très dépendants des positions de pouvoir et des compétences politiques. Aussi faut-il bien distinguer entre la communication de conquête du pouvoir, notamment par le biais des campagnes électorales, et la communication d'exercice du pouvoir, qui cherche à légitimer les décisions des dirigeants, à mobiliser les ressortissants des politiques publiques ou à consolider des popularités propres à préparer les futures élections. Les campagnes s'analysent comme l'interaction entre des interprétations stratégiquement orientées de la situation politique. La communication des exécutifs s'apparente de plus en plus à des « campagnes permanentes », ce qui en un certain sens donne consistance aux opinions de ceux qui voient dans cette évolution l'émergence d'une démocratie du public, même si elle garde les attributs de la démocratie représentative. Quant aux citoyens, il ne faut pas négliger leur force de mobilisation qui, par l'action collective, prend le visage des manifestations pacifiques ou violentes, de participation politique conventionnelle ou non.
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Écrit par
- Jacques GERSTLÉ : professeur à l'université de Paris-I, Centre de recherches politiques de la Sorbonne
Classification
Média
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