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POLITIQUE La communication politique

L'évolution des systèmes politiques

L'étude empirique de la communication politique, qui démarre avec la question de la propagande, est marquée par l'accent placé à partir des années 1940 aux États-Unis sur les effets des campagnes électorales. La question des effets est pour le politique incontournable car en nier l'existence rend impossible la définition même du politique, qui prend naissance dans la publicisation, la politisation et la polarisation. La publicisation c'est la reconnaissance d'une situation comme problématique par rapport à un état plus désirable et cette reconnaissance passe par la communication et ses effets. La politisation c'est l'attribution à une autorité politique de la responsabilité de traitement de la situation à modifier. La polarisation, enfin, consiste dans l'émergence de projets mutuellement exclusifs pour traiter la situation problématique.

En éliminant la quasi-théorie des effets puissants de la propagande d'avant 1940, Paul Lazarsfeld a installé le modèle des effets limités des campagnes et des médias qu'il expliquait par l'alignement des individus sur les normes des groupes sociaux d'appartenance et l'exposition sélective de l'individu aux messages électoraux. Le modèle de Michigan dans les années 1950 remplace les variables sociales par des variables d'attitude comme l'identification partisane pour expliquer la résistance aux campagnes. Il faut attendre que l'idée d'une « audience active » inspire différents modèles de recherche (usages et satisfactions, fonction d'agenda des médias, analyse des biais d'information liés à une accessibilité discriminante comme le montrent les effets de cadrage et d'amorçage du jugement) pour qu'on prenne conscience de la complexité des processus cognitifs individuels qui participent au phénomène de persuasion. L'impact de l'information ordinaire est alors bien mis au jour et on comprend qu'elle peut supplanter les effets de la communication contrôlée par les acteurs politiques. D'abord, la délocution l'emporte aujourd'hui sur la perlocution, autrement dit ce que disent les médias pèse davantage que le discours de l'acteur. Ensuite, la référence déclenche l'inférence : il suffit d'être le plus saillant dans la couverture médiatique pour imposer son raisonnement. Enfin, la conjonction de l'information et de la communication contrôlée profite autant aux professionnels de la politique que leur coûte leur disjonction.

L'évolution de la recherche révèle deux types de conclusion. Premièrement, en passant du vote reflet de la position sociale, au vote réflexe de l'identité partisane puis au vote réfléchi du citoyen informé, on s'aperçoit combien les comportements qu'on croyait stables ou bien correspondre à des configurations historiques vont être relativisés par le modèle explicatif retenu. Deuxièmement, il est sans doute trop tôt pour faire le bilan des transformations de l'espace public politique. Certains, comme Ronald Ingelhart ou Russel Dalton, avancent que la mobilisation cognitive portée par la dissémination du savoir grâce à la démocratisation de l'enseignement et à la diffusion massive de l'information permet aux citoyens de s'autonomiser et de mieux faire entendre leur voix dans le système politique. D'autres, plus pessimistes tels Robert Putnam, Kathleen Jamieson et Alfio Mastropaolo, considèrent que le dépérissement ou le reflux du politique sous différentes formes (cynisme, antipolitique, défiance à l'égard des institutions, retrait de l'action politique à l'instar du militantisme partisan et syndical déclinant, désalignement partisan, érosion du capital social, etc.) est à mettre en relation avec une communication politique qui s'est vidée de son sens civique au profit d'un spectacle qui encourage la passivité et un désengagement[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-I, Centre de recherches politiques de la Sorbonne

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Média

Ségolène Royal à Brest, mai 2007 - crédits : Bertrand Guay/ AFP

Ségolène Royal à Brest, mai 2007

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