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POLITIQUE La philosophie politique

La cité terrestre et le salut de l'humanité

Le christianisme et l'Empire romain

Le Don de Constantin - crédits : DeAgostini/ Getty Images

Le Don de Constantin

Parmi les religions transcendantes, c'est le christianisme qui, en Occident, l'a emporté. Une des raisons (non l'unique) de son succès se trouve dans le fait que, très tôt, il s'organise comme Église (assemblée) ouverte à tous, sans condition de race, tradition, richesse, langue, condition juridique. Cette organisation est du type de celle de l'Empire par son esprit universaliste qui fait qu'elle n'exclut même plus les esclaves et les Barbares ; elle est du même type encore par la stricte organisation du pouvoir, lequel, non politique, du moins au départ, mais spirituel, décide de la vraie foi (dogme), tout en établissant une hiérarchie des fonctions d'autorité administratives, voire juridiques : le peuple de Dieu vit sous la houlette de ses propres chefs. L'évolution vers un pouvoir unique, centralisé, sera lente, et elle ne sera jamais achevée ; la tendance fondamentale n'en est pas moins évidente.

Or le peuple de Dieu est en même temps le peuple de l'Empire, et ceux qui cherchent leur salut dans l'Église doivent trouver leur subsistance sous le règne de l'empereur : l'individu appartient en même temps à deux communautés. Abstraitement, le conflit entre les deux organisations n'est pas inévitable : l'Évangile et les lettres pauliniennes prônent l'obéissance aux puissances légitimes de ce monde, en ne réservant que les droits de Dieu ; on est soumis aux autorités, à moins que celles-ci n'exigent des actes qui seraient des trahisons à la foi. Aussi l'Empire peut-il se faire chrétien : son chef sera dorénavant empereur par la volonté divine, et sa majesté sera sacrée, non au sens antique de ce qui a droit à une obéissance et un respect absolus, quoique ce droit lui reste, mais par un décret du Dieu personnel portant son choix sur une personne vivant sous son regard.

À Byzance, malgré des conflits incessants entre la cour et les dignitaires de l'Église, le principe d'une telle fusion (césaropapisme) sera toujours reconnu. La situation sera tout autre en Occident, où l'interruption de la succession des empereurs, à côté de la continuité des fonctions papales, fait passer le principe de l'unité de la communauté du côté des autorités religieuses et où le pouvoir politique ne parviendra à s'affirmer que dans une lutte avec l'Église qui durera de longs siècles. C'est saint Augustin qui, au moment de la chute de l'Empire d'Occident, révèle les difficultés du rapport entre les deux autorités : l'Église, communauté des élus (Église invisible, mais représentée sur terre par une Église visible qui englobe des pécheurs damnés à côté des élus), reconnaît l'État comme l'organisation des hommes charnels, nécessaire pour refréner la concupiscence d'êtres qui, depuis la chute première, ne suivent pas spontanément la loi divine et qui, sous peine de vivre dans le désordre, la violence, le crime, ont besoin d'une autorité contraignante pour leur propre bien terrestre. Mais ce bien n'est pas le bien véritable, il est subordonné, par essence, à la recherche du salut et ne peut valoir que pour autant que l'État soumet, à l'aide de ses propres moyens, les pécheurs à la discipline ecclésiastique et fait entrer dans l'Église les adorateurs des faux dieux. C'est l'Église qui juge si l'État est bon ou mauvais, si ses dirigeants appartiennent à la masse des rejetés ou au nombre des croyants auxquels est réservé le salut éternel. Il y a deux glaives, deux couronnes, deux lois et les deux ne sont pas de dignité égale. L'État est dévalué, ses lois et ses actes peuvent être invalidés par l'Église au nom de la loi divine, comme au nom d'une loi que révèle la nature, elle aussi voulue par Dieu et lisible comme expression de sa volonté (historiquement, c'est un retour aux idées stoïciennes[...]

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