POLITIQUE La science politique
Les modes de connaissance
Trois catégories de jugement
En face de l'État, objet du politique, l'esprit humain peut éprouver des curiosités diverses et se proposer des buts différents : il peut réfléchir sur la cité en philosophe ; il peut ambitionner, en savant, de découvrir et de décrire les phénomènes de la vie politique ; il peut vouloir, en homme d'action, faire prévaloir ses vues sur la conduite du gouvernement.
Il en résulte une grande variété des écrits et propos qui se disent politiques : « Une Politique, constate Éric Weil dans sa Philosophie politique, peut être équivalemment un traité des théories positives de sociologie au sens large ou encore un programme d'action appuyé par des réflexions scientifiques ou non. » Et il ajoute plus loin qu'une troisième conception est possible : une Politique est alors « une considération raisonnable de la réalité pour autant que cette réalité même permet ou impose à l'homme de la modifier selon des buts et à partir du refus qu'il établit lui-même de ses actions ».
L'esprit peut porter sur l'État des jugements d'existence. Il donne à ses démarches la forme d'une recherche des faits fournis par l'histoire et par l'observation directe ou indirecte. Leurs auteurs se proposent d'étudier les phénomènes politiques, afin de les connaître, de les ordonner, de les expliquer. L'intelligence découvre au dehors d'elle-même ce qui existe ; puis elle donne à ses constatations une cohérence et, si possible, un sens. L'homme qui étudie ainsi la politique connaît la chose politique, l'État, analytiquement, à la manière dont d'autres connaissent les forces en physique et les corps en chimie.
L'esprit peut émettre des jugements de valeur. Les phénomènes politiques sont considérés par rapport à l'idéal que l'auteur se fait de l'homme et de la société. Cette fois, le chercheur ne s'intéresse pas tant à ce qui est qu'à ce qui devrait être. Le moraliste ou le philosophe politique pose des règles qui n'expriment pas l'être, mais le devoir être. Du positif, il passe au spéculatif et au dogmatique.
L'esprit peut, enfin, prononcer des jugements d'efficacité sur les moyens d'user du réel ou de le transformer. L'État ne sera plus considéré de façon théorique, comme un ensemble de données observées, expliquées et systématisées. La chose publique ne sera plus regardée de façon spéculative comme un idéal permettant à l'homme d'atteindre à ses fins ou comme constituant elle-même sa fin propre. La politique, envisagée de manière toute pratique, comme une technique de compétition, appréciera les moyens par rapport aux fins idéales ou utilitaires qui sont les siennes.
Trois ensembles systématiques de connaissances en ce qui concerne l'État peuvent se trouver ainsi simultanément élaborés :
– Une politique empirique, descriptive, explicative et éventuellement prospective. Cette politologie est positive (au sens ou l'on dit « droit positif »). Elle est la science politique proprement dite.
– Une politique doctrinale ou encore dogmatique, rationnelle, voire naturelle (au sens où l'on dit « droit naturel »). Cette politique est proprement réflexive, la pensée y faisant retour sur elle-même. On peut la qualifier de « philosophie politique » au sens étroit de ce terme, et voir en elle une sagesseinspiratrice de comportements.
– Une politologie pratique, s'intéressant à la création de moyens d'actions et au maniement des faits. Elle est une technique, une connaissance active des moyens destinée à instruire l'action ou à assurer son succès. Elle peut recevoir le nom d'« art politique ».
La science politique « stricto sensu »
Les trois ordres de connaissance desquels la politique peut ainsi[...]
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Écrit par
- Marcel PRÉLOT : sénateur, recteur honoraire, professeur à la faculté de droit et des sciences économiques de Paris
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