POLITIQUE La sociologie politique
Expliquer ce qu'est la sociologie politique serait assez simple si cette sous-discipline des sciences sociales était née dans des laboratoires de sociologie et si ceux qui s'en réclament aujourd'hui partageaient la même conception de leur travail. On pourrait alors se contenter de dire, sans nulle autre précision, qu'il s'agit d'une approche sociologique des phénomènes politiques. Mais l'histoire est plus compliquée et le domaine plus clivé. La sociologie politique française, en effet, est le produit d'enseignants-chercheurs en science politique qui n'ont pas tous la même conception du politique ni les mêmes principes épistémologiques.
Une institutionnalisation en deux temps
Si le travail qu'André Siegfried publie en 1913 sous le titre Tableau politique de la France de l'Ouest est souvent cité en exemple, la sociologie politique n'apparaît comme étendard collectif qu'à partir des années 1950, à la suite d'un déplacement stratégique opéré principalement par de nouveaux diplômés en droit public. Pour ces pionniers, comme pour tous ceux qui s'en réclament alors, l'investissement dans la méthode sociologique – au détriment des approches juridiques ou philosophiques – comme dans les terrains les moins défrichés de la vie politique – les élections plutôt que les institutions – leur permet notamment, comme le note Pierre Favre (1985), de se démarquer de leurs concurrents les plus directs dans la compétition saturée des postes universitaires. La connaissance des déterminants sociaux du vote y gagnera énormément. Mais il suffit de voir que le manuel de Sociologie politique que Maurice Duverger publie en 1966 puise principalement ses références dans les travaux anglo-saxons pour comprendre que le tournant sociologique des sciences politiques hexagonales n'est pas encore opéré.
Et de fait, c'est surtout dans le contexte intellectuel et politique particulier de mai 1968 que la sociologie politique prend son envol et se constitue en discipline. Cette seconde impulsion doit beaucoup à une nouvelle génération de chercheurs que l'on peut qualifier à la suite de Bernard Lacroix (2006) de doublement « indisciplinés » : en ce qu'ils se reconnaissent moins dans le programme d'une discipline que dans le vieux projet des Annales de créer une science pluridisciplinaire du social, d'une part – en atteste le sous-titre significatif de la revue Politix : Revue des sciences sociales du politique, qui dans les années 1990 participe plus que tout autre de ce tournant sociologique de la science politique ; d'autre part, ces chercheurs des années 1970 sont aussi indisciplinés en ce qu'ils sont davantage portés que leurs collègues de la Fondation nationale de science politique à mettre en cause dans leurs travaux les fondements de l'ordre social et politique.
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Écrit par
- Delphine DULONG : docteur en science politique, maître de conférences en science politique à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
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