POLITIQUE Le pouvoir politique
Fondement du pouvoir politique
Il appartient aux philosophes de se demander quelle est la raison d'être des réalités que constatent les hommes de science, ainsi que des relations objectives entre ces réalités qu'ils conçoivent et vérifient. Le pouvoir politique, ses formes, ses modes d'organisation sont des réalités que la science politique constate et cherche à expliquer. Pourquoi n'y a-t-il pas de société humaine sans pouvoir politique ? Ou bien, si de telles sociétés existent, à quelles conditions peuvent-elles s'en passer ? Ces questions sont philosophiques. La tradition de la pensée occidentale leur donne deux réponses contraires, entre lesquelles le débat s'est renouvelé sans cesse du ve siècle avant J.-C. au xixe siècle : selon le première, le pouvoir politique est une nécessité inscrite dans l'ordre de la nature ; selon la seconde, le pouvoir politique est un artifice qui résulte d'un accord passé entre les hommes pour mettre fin à des conditions naturelles d'existence jugées insupportables.
La doctrine de la nécessité naturelle se dédouble elle-même en deux thèses opposées. Si l'ordre de la nature est un champ de forces qui s'affrontent, il est conforme à la loi naturelle et donc nécessaire que ceux qui sont à la fois les plus forts et les plus rusés dominent les autres. Le pouvoir politique n'est alors rien d'autre que cette domination fondée sur une nécessité de fait, d'ordre physique. Mais si l'ordre de la nature est une harmonie qui exprime ou reflète la raison universelle, il est conforme à la loi naturelle et donc nécessaire que les relations entre les hommes soient réglées harmonieusement par des normes universellement valables (le « droit naturel ») et que certains hommes spécialement choisis et qualifiés veillent au respect de ces règles. Le pouvoir politique n'est alors rien d'autre que ce gouvernement raisonnable, fondé sur une nécessité de droit, d'ordre logique : il s'ensuit qu'on ne doit pas obéir aux commandements qui seraient contraires au « droit naturel ».
Malheureusement, aucun raisonnement démonstratif n'a jamais pu établir quelles sont ces règles imposées par la raison universelle. Chaque philosophe a tendance à trouver naturelles les normes admises dans la société de son temps. L'esclavage était, pour Platon et Aristote, conforme à la loi naturelle, comme il est naturel pour un Esquimau de tuer ses parents trop âgés. La découverte par l'Occident de civilisations différentes de la sienne a exposé les doctrines du droit naturel au doute et à la contestation, en montrant la diversité et la relativité des règles de droit et des formes de pouvoir. Les essais de Montaigne sur la coutume ou sur les cannibales, au xvie siècle, et certaines pensées de Pascal au xviie en témoignent déjà : « Qu'est-ce que nos principes naturels sinon nos principes accoutumés ? [...] Une différente coutume nous donne d'autres principes naturels, cela se voit par expérience. » Les doctrines du contrat social, qui se sont développées en Europe aux xviie et xviiie siècles, ne sont guère moins présomptueuses que celles du droit naturel lorsqu'elles prétendent fonder le pouvoir politique sur une « première convention » qui, pour tout groupement humain, comporterait les mêmes clauses « rationnelles », effectuant ainsi le passage de l'« état de nature » à l'« état civil ». Les philosophes ne s'accordent d'ailleurs pas plus sur les clauses du pacte social que sur les règles du droit naturel.
Au xixe siècle, quand les sciences humaines ont commencé à se constituer, certains philosophes, dont Montesquieu est le précurseur, ont tenté de répondre à la question du fondement du pouvoir politique par l'observation et la comparaison des réalités historiques et sociales[...]
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Écrit par
- Jean William LAPIERRE : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de l'université de Nice
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