POLITIQUE Les régimes politiques
Jusqu'à une époque que l'on peut approximativement fixer aux alentours de la Première Guerre mondiale la distinction entre la société et l'État, c'est-à-dire entre le social et le politique, permettait de cerner la notion de régime politique par des contours relativement précis et spécifiques. Le régime politique d'un État se caractérisait essentiellement par la forme de son gouvernement. Or, si l'on s'en tenait aujourd'hui à ce critère formel, on ne pourrait guère relever, entre le régime de l'Union soviétique et celui des États-Unis, que des différences de nuances dans les modalités d'exercice du pouvoir. Ce qui est essentiel, en revanche, c'est le style que la société doit au pouvoir. Et parce que ce style dépend de l'aménagement des rapports politiques, il révèle, plus encore que les formules gouvernementales, l'essence du régime.
Cette observation, qui peut paraître évidente, n'est pas encore pleinement consacrée dans la terminologie courante. Sous le titre « régime politique », elle ne retient guère que l'organisation des pouvoirs publics pour les analyser sous l'angle du droit constitutionnel. Ce formalisme s'explique par le fait que la théorie des régimes politiques a été élaborée dans l'atmosphère du libéralisme où l'autonomie de la société constituait un principe incontesté. La politique n'en était, au mieux, qu'un secteur limité, avec ses fins et ses techniques propres. L'universelle politisation qui caractérise l'époque actuelle a pour conséquence de rendre périmée cette conception restrictive. Le politique n'est plus enclos dans une sphère nettement distincte par rapport au social et, par conséquent, la politique a perdu son caractère d'activité spécialisée. Elle pénètre tous les secteurs de la vie sociale et, par contrecoup, est elle-même intégralement tributaire de l'ensemble des phénomènes sociaux. Si bien que les modes d'exercice du pouvoir, les formes de gouvernement ne sont qu'une superstructure, l'essentiel étant la manière dont la société se reflète dans le pouvoir et, inversement, l'allure qu'elle doit à l'action des gouvernants.
Régimes politiques et réalités sociales
Structures sociales et mentales de la collectivité
Une première approche de la théorie des régimes doit considérer les relations existantes entre la collectivité envisagée et le type d'autorité qui la régit. Ces théories n'ont, certes, jamais été indifférentes aux données sociales. La géographie, le climat, les ressources, le chiffre de la population ont toujours retenu l'attention des politicologues. Mais, à ces facteurs dont l'importance demeure grande (que l'on songe aux corrélations entre le sous-développement et l'autoritarisme), d'autres sont venus se joindre dont l'influence est devenue prépondérante au fur et à mesure que l'idéologie démocratique se faisait plus exigeante. Il s'agit, d'une part, de la structure sociale actuelle de la collectivité et de la manière dont s'y localise l'énergie politique : c'est ce que l'on pourrait appeler le facteur forces ; d'autre part, des objectifs auxquels la mentalité dominante entend subordonner l'activité des gouvernants : c'est le facteur fins.
On sait qu'aujourd'hui tous les régimes se réclament de la volonté du peuple. Même si l'on néglige son caractère souvent verbal, cette référence n'est pas, en soi, très significative, car il y a bien des manières d'interpréter la notion de peuple. Celle de Jean-Jacques Rousseau n'est pas celle de Benjamin Constant ; le peuple de Karl Marx n'est pas celui auquel songeait Franklin Roosevelt lorsqu'il disait the people.S'agissant de savoir quelles sont la nature[...]
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Écrit par
- Georges BURDEAU : professeur à la faculté de droit et des sciences économiques de Paris
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