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POLITIQUE Les régimes politiques

La représentation politique

Quelle que soit la sincérité avec laquelle les institutions et la pratique politiques consacrent l'origine populaire du pouvoir, le peuple ne peut exercer directement sa souveraineté. Là même où les mécanismes de la démocratie directe (initiative populaire, veto, référendum) sont en vigueur, comme dans la Confédération helvétique, ils n'interviennent que sporadiquement. La gestion des affaires est le fait des représentants que les citoyens se sont donnés. C'est-à-dire que, hormis quelques exemples caractérisés de dictature personnelle, le système représentatif se trouve aujourd'hui mis en œuvre dans la quasi-totalité des États. Appliqué aussi bien par les démocraties populaires comme l'Union soviétique que par les démocraties occidentales, utilisé pour assurer un authentique gouvernement de l'opinion publique ainsi que c'est le cas en Angleterre, mais servant aussi parfois d'alibi à la domination d'un chef, le régime représentatif désigne tout système constitutionnel où les pouvoirs publics ont une origine élective. Envisagé ainsi comme une technique de désignation des gouvernants, c'est un organisme neutre. Il n'a cependant pas toujours présenté ce caractère. Lorsqu'il a commencé à être appliqué au xviiie siècle en Angleterre et en France, il était l'expression d'une philosophie politique qui a fourni à l'État libéral ses cadres institutionnels. Les cadres sont restés, mais l'idée à laquelle ils répondaient n'a plus cours. Il est utile, cependant, de la connaître, ne serait-ce que pour comprendre pourquoi, à l'heure présente, les institutions représentatives connaissent une crise que révèle concrètement le déclin (provisoire ou définitif ?) des parlements.

Pour évoquer l'ancienneté de la représentation, Montesquieu disait qu'elle avait été trouvée dans les forêts de Germanie. De fait, les récits des temps les plus reculés montrent les rois ou les chefs écoutant et parfois sollicitant les avis et doléances des représentants de leurs sujets. Il y avait un parlement en Angleterre dès le xiiie siècle et si, en France, les états généraux furent un peu moins anciens, il existait auparavant des assemblées où siégeaient les représentants de certaines catégories sociales. Ce n'est cependant que beaucoup plus tard que fut institué le régime représentatif. Ce qui le caractérise, en effet, c'est moins l'existence d'une représentation que la situation juridique des représentants au double point de vue de leurs rapports avec leurs mandants et de l'étendue de leurs pouvoirs. Telle qu'elle est apparue au Moyen Âge, la représentation s'analyse en un mandat de droit privé. Le député reçoit des pouvoirs exprès ; il est lié par les instructions qui lui sont données sans être autorisé à faire valoir une volonté qui lui soit propre. Nommé et révocable par ses mandants, d'ailleurs rémunéré par eux, il est leur porte-parole. Cette conception civiliste de la représentation allait de soi dans une société composée de collectivités animées d'un particularisme jaloux, âpres à défendre leurs privilèges et incapables de s'élever jusqu'à la compréhension d'un intérêt national. Cet intérêt global, c'est au prince, pensait-on, qu'il appartenait d'en prendre soin, et nul ne concevait l'idée d'associer les représentants aux responsabilités du pouvoir.

C'est en Angleterre d'abord que la représentation s'est affranchie des lisières où la tenait son interprétation selon les normes du droit privé. L'évolution s'est produite dans le sens d'un affermissement du pouvoir des représentants, corrélatif à l'effacement de leur subordination vis-à-vis de leurs électeurs. Dès le xviiie siècle,[...]

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Écrit par

  • : professeur à la faculté de droit et des sciences économiques de Paris

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