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POLYGAMIE

Les idéologies de la polygynie

L'Occident réprouve la polygamie (bien qu'il connaisse, avec l'augmentation du nombre de divorces et des remariages, une forme de polygamie sérielle). Cependant, la polygamie résiste aux critiques comme aux efforts qui ont été faits pour la rayer des droits coutumiers. On peut se demander pourquoi.

Continuité du lignage

La première raison, qui ne paraît pas la moins forte, c'est la nécessité d'avoir des enfants qui continuent le lignage et le culte des ancêtres. Si une femme est stérile (car, dans l'idéologie des peuples cités, la stérilité est toujours considérée comme féminine, non comme masculine), on épousera donc une seconde femme. D'une façon générale, la pluralité des femmes est la plus sûre garantie, pour le pasteur comme pour l'agriculteur, d'avoir une postérité mâle, et cela est surtout important pour les familles patriarcales où tout l'avenir de la famille repose sur l'aîné. On sait aussi que le sevrage est, dans les populations archaïques, généralement tardif et que l'enfant continue à prendre le sein de sa mère durant dix-huit mois, deux ans, parfois plus ; or, pendant tout ce temps, les relations sexuelles sont interdites entre la mère et le père, car « elles gâteraient le lait ». Ce qui fait que la polygynie permet une meilleure santé de la femme qui peut espacer la naissance de ses fils de deux en deux ans au minimum sans que le mari, désireux de prouver sa virilité par une nombreuse progéniture, ait à souffrir de cet interdit. D'ailleurs, l'urbanisation agit sur ces deux phénomènes en même temps : tandis que la polygynie tend à disparaître ou tout au moins à se restreindre, la durée de l'allaitement diminue et les rapports sexuels apparaissent même avant le sevrage.

Source de richesse en économie rurale

La seconde raison, à laquelle il a été fait allusion déjà, c'est que, pour les sociétés paysannes où la femme travaille la terre et où, même si elle ne travaille pas, elle donne à son mari des fils qui cultiveront, dès leur plus jeune âge, la propriété familiale, la polygynie est une source d'augmentation des revenus. Certes, D. Paulme soutient que ce calcul est finalement un leurre, car le mariage entraîne de multiples charges ; le prix de la fiancée est allé sans cesse en augmentant pour atteindre souvent de nos jours, malgré les lois, des taux exorbitants, et de plus, là où les femmes sont chargées des cultures alimentaires (et non des cultures commerciales), elles gardent pour elles l'argent acquis en vendant les surplus que leur donnent leurs champs sur les marchés locaux. Cependant, la polygynie se maintient davantage dans les zones rurales que dans les zones urbaines, car, sinon par elles, du moins par le plus grand nombre d'enfants qu'elle permet, elle rend possible un « surplus » de richesses que le chef polygame peut redistribuer dans sa clientèle et, ainsi, la polygynie devient, en second lieu, et par voie de conséquence, un symbole de prestige. Dans les villes, au contraire, la polygynie coûte davantage qu'elle ne rapporte ; par conséquent, elle n'est plus source que de prestige social, par maintenance dans un autre secteur, progressiste, des valeurs archaïques rurales.

Symbole des alliances politiques

Enfin, à plusieurs reprises, on a noté dans les sociétés à chefferies, féodales ou royales, que la polygynie avait une fonction politique, au point que la force d'une chefferie dépend – là où il y a concurrence entre les seigneurs pour le pouvoir – du nombre des alliances avec d'autres lignages et que, dans les royautés où l'obligation existe pour le roi de prendre une femme dans chacun des lignages princiers, la polygynie devient le langage à travers lequel s'exprime l'unité de l'État. Ainsi la polygynie, tout comme l'échange généralisé de Lévi-Strauss, est-elle[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire à l'université de Paris-I

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