POLYMORPHISME, biologie
La dérive génétique
Le jeu combiné de la sélection et des mutations tend donc à fixer les fréquences géniques sur des positions d'équilibre. Même dans des conditions supposées parfaitement constantes, ces équilibres ne sont en fait réellement maintenus sans changement d'une génération à l'autre que si l'effectif de la population est extrêmement grand, illimité en principe. La limitation de l'effectif des reproducteurs introduit toujours, en effet, une tendance à une variation aléatoire des fréquences géniques au cours de la succession des générations. Ce phénomène a reçu le nom de dérive génétique.
Étude théorique
Lorsque l'effectif de la population est limité, le niveau unique d'équilibre d'un gène a est remplacé par le jeu des probabilités avec lesquelles peuvent être réalisées les différentes fréquences. Ainsi que l'a montré Sewall Wright, ces probabilités correspondent sensiblement à la loi de distribution traduite par l'expression suivante :
où p et q sont les fréquences relatives des deux classes d'allèles a et a′, u et v les taux de mutation de a vers a′ et de a′ vers a, N l'effectif des reproducteurs, et ŵ la valeur sélective moyenne de la population supposée panmictique, donnée par l'expression :dans laquelle les symboles σ représentent les valeurs sélectives des trois génotypes a/a, a/a′ et a′/a′. Cette loi de distribution correspond à un état stationnaire qui serait maintenu, génération après génération, par une quantité illimitée de populations supposées toutes de même effectif et soumises aux mêmes conditions.Un aspect essentiel des courbes représentant l'équation de Wright (fig. 5) est qu'elles changent de forme selon le signe des exposants de p et de q. Or les quantités 2Nv et 2Nu représentent les productions globales de gènes a ou de gènes a′ par des populations pures pour l'autre allèle. Lorsque ces productions sont faibles, cas des petites populations, les états homoalléliques, p = 0 et p = 1, sont des situations très probables. Leur probabilité de réalisation est au contraire faible ou même nulle, lorsque les productions de gènes nouveaux ont dépassé un seuil critique. Pour diverses raisons, le seuil est toutefois moins brutal dans la réalité qu'il n'apparaît sur l'expression mathématique.
Formation des isolats
La plupart des espèces sont représentées, à chaque génération, par un nombre considérable d'individus. Il est cependant relativement exceptionnel que ceux-ci forment une population unique que l'on puisse considérer comme panmictique, même approximativement. Dans la situation la plus courante, l'espèce est fragmentée en un certain nombre de groupes ou isolats, au sein desquels reste plus ou moins strictement confiné le choix des conjoints. Le nombre et l'importance de ces isolats, l'étendue des aires géographiques qu'ils occupent et la rigueur de leur séparation sont, bien entendu, infiniment variés selon les cas et les types d'organismes.
De toute façon, une règle constante est que les isolats d'une même espèce présentent un certain nombre de différences génétiques. Cela reste vrai même lorsque l'isolement n'est pas absolu et qu'un courant d'échanges génétiques est entretenu par la migration, à chaque génération, de quelques individus d'un isolat vers l'autre.
Lorsque les conditions de vie ne sont pas strictement les mêmes pour divers isolats d'une même espèce, la sélection peut être l'un des facteurs responsables des différences génétiques qui s'établissent entre eux. Mais, même lorsqu'il n'en est pas ainsi, la dérive suffit pour aboutir à ce résultat. Le passage par pure dérive d'un état homoallélique à l'autre est évidemment un événement rare au niveau d'un seul couple d'allèles, mais, étant donné[...]
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Écrit par
- Maxime LAMOTTE : professeur honoraire à l'université de Paris-VI-Pierre-et-Marie-Curie (faculté des sciences), ancien directeur du laboratoire de zoologie de l'École normale supérieure
- Philippe L'HÉRITIER : professeur honoraire à la faculté des sciences de Clermont-Ferrand
- Étienne PATIN : biologiste à l'Institut Pasteur et au musée de l'Homme
- Lluis QUINTANA-MURCI : docteur ès sciences, chargé de recherche, C.N.R.S.-Institut Pasteur
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