POLYNÉSIE FRANÇAISE
Le CEP et après
C’est en juillet 1962 qu’est créé le CEP, pour remplacer les sites d’essais du Sahara algérien. Il s’établit sur plusieurs îles, principalement à Tahiti où est situé le centre de commandement et où s’installent de nombreux métropolitains, civils et militaires, avec leur famille. Il bénéficie de l’ouverture de l’aéroport de Tahiti-Faaa, inauguré en 1961, dont la piste permet aux nouveaux avions long-courriers à réaction d’atteindre Tahiti. Le port de Papeete est complètement réaménagé. Les sites d’expérimentation sont à environ 1 200 kilomètres au sud-est, dans la partie orientale des Tuamotu : les atolls de Moruroa (écrit habituellement « Mururoa », après que les premiers militaires sur place eurent appelé cet atoll « Muru ») et de Fangataufa. Ils présentent l’avantage d’être inoccupés, de taille suffisante pour pouvoir accueillir des infrastructures importantes et isolés : en effet, l’île habitée la plus proche est à plus de 100 kilomètres et, en 1996, année du dernier essai, on ne comptait que 4 000 habitants (hors effectifs du CEP et militaires) dans un rayon de 500 kilomètres.
Sur Moruroa et Fangataufa, on construit des pistes d’aviation, des ouvrages portuaires, avec l’ouverture ou l’approfondissement des passes dans le récif, des routes, un gigantesque poste de contrôle de tir fait de plusieurs milliers de tonnes de béton, des zones d’habitation appelées « bases vie », celle de Moruroa pouvant accueillir 2 500 personnes. À ces deux îles, il faut ajouter la base arrière de Hao, à près de 500 kilomètres au nord-ouest. De 1966 à 1996, 181 essais sont effectués par le CEP (167 à Moruroa et 14 à Fangataufa), dont 41 aériens de 1966 à 1974, les autres souterrains. La dernière campagne se déroule en 1995-1996, à la suite de la décision du président de la République Jacques Chirac de reprendre les essais suspendus en 1992 par François Mitterrand.
Les retombées des activités du CEP sur la Polynésie française sont considérables. En quelques années, plus de dix mille métropolitains s’installent à Tahiti. Des milliers de Polynésiens quittent leur île pour vivre à Tahiti et sont embauchés par le CEP. La population de Tahiti passe de 45 000 habitants en 1962 à 79 000 en 1971. Le CEP porte ainsi à bout de bras le Territoire, qui devient une « économie de garnison » (B. Poirine), ce qui explique qu’en juillet 1996, six mois après le dernier essai, l’État s’engage à apporter une compensation à la baisse des transferts publics avec le Fonds pour la reconversion économique de la Polynésie française (FREPF), remplacé, en 2002, par la Dotation globale de développement économique (DGDE), puis, en 2011, par trois instruments financiers, dont principalement la Dotation globale d’autonomie (DGA). La très forte dépendance du Territoire à l’égard des transferts métropolitains ne s’est pas atténuée et son économie reste marquée par des monopoles de distribution générant des prix artificiellement élevés et bénéficiant d’un marché intérieur captif. Les secteurs non protégés (industries exportatrices et tourisme) sont très pénalisés. Face à cette situation, une Autorité polynésienne de la concurrence (APC) a été créée en 2015.
Restent les conséquences des essais nucléaires sur la santé. En 2010, une loi sur la reconnaissance et l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, appelée loi Morin, est promulguée. Elle concerne les personnes ayant travaillé sur les sites du CEP et les Polynésiens d’atolls voisins qui souffrent de pathologies fréquemment mortelles dues à des radiations ionisantes.
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Écrit par
- Jean-Christophe GAY : agrégé de géographie, professeur des Universités, université Côte d'Azur
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