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POLYPHONIE

La polyphonie classique occidentale

La polyphonie médiévale est attestée, dans la culture écrite occidentale, depuis le ixe siècle seulement, et y reste en stagnation pendant près de deux siècles, avant de connaître l'essor extraordinaire qui, à partir de la fin du xie siècle, lui donnera des développements sans commune mesure avec ce qui précède.

Mentionnée pour la première fois dans un traité carolingien anonyme, l' Enchirias musices (ou Manuel de musique), titre déformé en Musica enchiriadis (Musique de manuel) et attribué faussement à Hucbald (840 env.-env. 930), la polyphonie se présente d'abord sous forme d' organum parallèle, analogue aux exemples primitifs de ce type, puis le mouvement contraire apparaît rapidement et aboutit au déchant, ou contrepoint à deux voix de lignes indépendantes, dont le « chant donné », ou teneure, est le plus souvent la voix grave. En devenant le conduit au cours du xiie siècle, le déchant ne modifie pas sa technique, mais permet de composer librement la teneure, de sorte que désormais la voie est ouverte vers la composition polyphonique, et non plus seulement vers l'adjonction de contrepoints à des chants donnés. La polyphonie, d'abord créée à l'église et pour l'église, revêt à l'origine une signification festive : chanter un chant « avec déchant », c'est lui donner une forme plus solennelle, de sorte que la polyphonie, très vite, revêt une signification liturgique parfaitement définie.

Vers la fin du xiie siècle, et surtout dans l' école de Notre-Dame de Paris, la polyphonie de l'organum se modifie et devient l'organum à vocalises ; celui-ci donne naissance à une forme polyphonique nouvelle, le motet ; organums, motets ou conduits abordent l'écriture à trois, parfois même à quatre voix, et lèguent au xive siècle un art du contrepoint en pleine efflorescence. Avec la révolution de l' ars nova, l'organum disparaît, mais le motet et le conduit se transforment ; des genres nouveaux apparaissent, de vastes compositions s'esquissent, notamment des messes polyphoniques, dont le premier exemple homogène connu est la Messe Notre-Dame de Guillaume de Machaut (on a cessé d'y voir une « messe du sacre de Charles V », légende apocryphe fabriquée au xixe siècle). Au xve siècle, la polyphonie connaît une ère d'apogée qui se prolongera jusqu'à la fin du xvie siècle ; elle est géographiquement centrée sur la plaine franco-flamande qui s'étend de Saint-Quentin à Utrecht. Elle cultivera surtout le motet (qui a considérablement évolué), la messe et la chanson profane polyphoniques. Les musiciens seront bientôt attirés par l'Italie, où, dans la seconde moitié du xvie siècle, se forgera une école originale, et celle-ci ne tardera pas à dominer le continent, à tel point que l'on appelle encore parfois « polyphonie palestrinienne » une forme d'art dont Palestrina, loin d'en être l'inventeur, ne fut que l'un des derniers représentants.

À partir du xviie siècle, avec la généralisation de la basse continue, la musique cessa, comme on l'a dit, d'être essentiellement d'essence « polyphonique ». Le style polyphonique, toutefois, s'il fut constamment concurrencé par le style harmonique, n'a jamais perdu entièrement ses droits ; mais s'il a trouvé, au début du xviiie siècle, son maître le plus incomparable avec Jean-Sébastien Bach, celui-ci en a précisément été blâmé par ses contemporains. C'est surtout dans la musique religieuse, et spécialement dans certains morceaux traditionnellement dédiés à ce style (par exemple, le Cum Sancto Spiritu du Gloria des messes de Haydn ou de Mozart), que s'est réfugié le style polyphonique, qui finit par être quasi totalement exclu, au xixe siècle, de l'opéra italien. Il[...]

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Écrit par

  • : ancien directeur de l'Institut de musicologie de l'université de Paris
  • : professeur de composition au Conservatoire national supérieur de musique de Paris

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Autres références

  • ACCOMPAGNEMENT MUSICAL

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