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POLYRYTHMIE

La polyrythmie est constituée par la superposition de deux ou plusieurs rythmes différents ; les structures rythmiques qui la constituent se déroulent simultanément et indépendamment l'une et l'autre, chacune d'elles présentant soit une mesure différente de celle des parties voisines, soit des décalages d'accents, soit des schèmes rythmiques irréductibles entre eux, soit des tempi différents. Le terme lui-même est récent, mais la technique d'écriture est ancienne : la polyrythmie existait déjà chez les maîtres du contrepoint médiéval, en particulier chez Guillaume de Machaut, et on la rencontre couramment dans les musiques traditionnelles et dans le jazz. Du xvie au xxe siècle, elle est rare dans la musique savante européenne, mais on en trouve cependant quelques exemples, tel que celui d'une scène de l'acte II du Don Giovanni de Mozart, où sont superposées des mesures à 6/8, 3/4 et 2/4. Dès le début du xxe siècle, la polyrythmie réapparaît, le plus souvent en relation avec la polytonalité, ce qui aboutit à un jeu de simultanéité qui superpose des musiques différentes : Charles Ives fut le pionnier de cette technique, pratiquée également par Paul Hindemith, Darius Milhaud, Igor Stravinski et Béla Bartók. Olivier Messiaen travaille des « personnages rythmiques » bien individualisés et emprunte aux métriques de l'Orient. Les variations indépendantes de tempi, les superpositions de figures rythmiques irréductibles (souvent fondées sur des valeurs « irrationnelles » telles que quintolet, sextolet, septuolet, etc.), les changements de mesures simultanés et différents dans les diverses parties donnent une complexité et une difficulté souvent extrêmes aux partitions de la musique sérielle, particulièrement à certaines œuvres de Pierre Boulez, tandis que l'emploi de trois orchestres dans Gruppen (1955-1957) permet à Karlheinz Stockhausen des jeux subtils de stratifications rythmiques. Les ressources techniques de la musique électro-acoustique, du studio traditionnel à l'emploi de l'ordinateur, offrent des possibilités diverses à la polyrythmie, notamment la superposition d'une musique à ses versions accélérées et ralenties (ce que Pierre Schaeffer et Pierre Henry avaient réalisé dès les débuts de la musique concrète dans le Bidule en ut), les combinaisons de différentes variations de tempi et les plus difficiles superpositions rythmiques, aisément réalisées par l'ordinateur. Toutes ces techniques de la polyrythmie ont constitué l'une des lignes de recherches caractéristiques de la musique occidentale du xxe siècle, recherches visant à rompre le sentiment de la division régulière du temps musical, si fortement imprimé aux œuvres classiques et romantiques par le système des mesures.

— Nicole LACHARTRE

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Écrit par

  • : compositeur, fondatrice et directrice artistique de l'Association pour la collaboration des interprètes et compositeurs

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