POMPÉI, NATURE, SCIENCES ET TECHNIQUES (exposition)
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Hors des sentiers battus, l'exposition Pompéi, nature, sciences et techniques, présentée à Paris au palais de la Découverte du 3 avril au 22 juillet 2001, donnait à voir un matériel inattendu : les objets d'art étaient conviés à titre de témoins et comme illustrations d'un propos scientifique et technique. Présentée en 1999 au Musée archéologique de Naples sous le titre Homo Faber, elle développait l'instantané d'une ville romaine conservée par l'éruption du Vésuve en 79 après J.-C. et prolongeait la réflexion née à la fin du xviiie siècle. Ce qui avait fasciné, en effet, les contemporains des premières fouilles c'étaient moins les œuvres d'art qu'ils jugeaient de médiocre qualité que l'extraordinaire apport à la connaissance des réalités matérielles de la vie antique. Mais la disparition de l'esprit encyclopédique au profit d'une vision romantique des ruines, et la mutation du goût ont amené une certaine éclipse de la curiosité technique. Elle resurgit dans l'Italie des années 1930 avec le Museo della Civiltà Romana riche de maquettes et de reconstructions, et se renouvelle grâce au développement de l'anthropologie et de la paléodémographie, grâce aux progrès récents dans la restitution de la musique antique, grâce aussi à des méthodes de fouille (prise systématique des empreintes dans les creux laissés par les matériaux organiques) qui permettent de lire des vestiges ténus, notamment végétaux. L'exposition offrait donc une synthèse des connaissances due à la collaboration de scientifiques et d'archéologues qu'illustraient des témoignages campaniens, mais aussi romains ou originaires de provinces de l'empire.
La nature était présente sous la forme des ressources naturelles et de leur exploitation. La peinture d'un laraire figure Bacchus, le corps revêtu d'une grappe, devant le Vésuve couvert de vignes, et la maquette de la Villa rustica de la Pisanella à Boscoreale confirmait l'importance de la viticulture : dans la cour, 84 grandes jarres (dolia) semi-enterrées stockaient la production du domaine. Foulons et teinturiers étaient de grands acteurs de l'économie pompéienne : en témoignaient la fullonica (teinturerie) de Stephanus reconstituée, les représentations picturales de foulons au travail, la présence de murex dont on tirait la pourpre. Si certains objets nous sont parvenus de Pompéi (céramique, coupes, balsamaires et carafes en verre, bijoux), d'autres ne sont connus que par la peinture ; mais la précision des images a permis de reconstituer un panier et un coffret en vannerie.
Deux aspects extrêmes de la science sont à souligner. Au plus près de l'homme, la médecine antique permettait l'exploration et l'intervention chirurgicale. Divers spécimens de spéculums, un crochet pour embryons, un cathéter, un phlébotome, un étui contenant sondes, bistouris, spatules, pinces, aiguilles pour l'opération de la cataracte, davier ont été retrouvés. On peut voir, sur un tableau, le chirurgien Iapyx extrayant de la cuisse d'Énée, à l'aide d'un forceps, la pointe de la flèche qui l'a blessé. Les squelettes pompéiens présentent, d'ailleurs, des traces d'opérations, de fractures réduites, mais aussi diverses pathologies dentaires et osseuses, certaines rares comme la scaphocéphalie et la maladie de Paget.
Dans le domaine de l'astronomie, les Romains ont hérité de la science alexandrine, comme le montrait le moulage du globe de l'Atlas Farnèse. La sphère armillaire qui matérialise les mouvements des planètes autour du Soleil, selon la découverte d'Aristarque de Samos (280 av. J.-C.), était un objet apprécié : la peinture d'un plafond du milieu du ier siècle après J.-C. dans la villa San Marco à Stabies intègre, dans une composition aérienne, sphère, figures divines et planétaires, saisons.
Trente cadrans solaires ont été découverts à Pompéi ; de provenance incertaine, le skyphos à œilleton récemment acquis par le musée du Louvre indiquait l'heure grâce au rayon de soleil passant par un petit orifice.
Quant à l'espace, il était mesuré par l'odomètre, reconstruit à partir de la description de Vitruve, et la groma à visée orthogonale, instrument d'arpenteur, intervenait dans les rites de fondation. D'autres machines étaient familières aux visiteurs : les éléments en bois découverts à Périgueux correspondent à la pompe aspirante et foulante inventée par Ctésibios et perfectionnée par Héron d'Alexandrie ; ce sipho, parent de la pompe à bras des pompiers du xixe siècle, servait aussi dans l'Antiquité à lutter contre l'incendie. La maquette du château d'eau et les valves hydrauliques en bronze signalaient la complexité de la distribution d'eau à Pompéi.
Dans la campagne, noria et vis d'Archimède (cochlea) montaient l'eau d'un ruisseau, comme le montrait une peinture nilotique. Moins pacifiques, l'onagre catapultait des boulets de pierre au moyen d'un ressort de cordage, et le scorpion était une arbalète géante.
Pour illustrer les techniques artistiques, la stèle du musée archéologique de Sens figurant une équipe de peintres au travail, et les chapiteaux des Thermes centraux de Pompéi, inachevés, étaient exposés, révélant les différentes étapes de leur élaboration.
Mais les recherches les plus neuves concernent la musique. Certains aérophones (la tuba, trompette droite, et les tibiae à anche double) découverts en 1768 ne sont plus connus que par des documents graphiques ; en revanche, les tibiae retrouvées un siècle plus tard ont livré des informations précises sur la facture de ces instruments dont le tube muni d'anneaux permettait de modifier la colonne d'air. Dans les jeux de l'amphithéâtre, outre les grandes trompettes courbes (les cornu) intervenaient les orgues à eau dont Pompéi n'a livré que des maquettes en bronze ; c'est d'Aquincum, en Hongrie, que provenaient les vestiges d'un orgue hydraulique, reconstruit à la fois d'après ces vestiges, l'iconographie, et les sources littéraires.
Bibliographie
A. Ciarallo, E. de Carolis & A. Barbet dir., édition française avec des compléments, Pompéi, nature, sciences et techniques, catalogue Electa, Milan, 2001
L. Capasso, I Fuggiaschi di Ercolano. Paleo-biologia delle vittime dell' eruzione del 79 d.C, L'Erma di Bretschneider, Rome, 2001.
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Écrit par
- Hélène ERISTOV : chargée de recherche au CNRS, unité mixte de recherche, archéologies d'Orient et d'Occident, École normale supérieure, Paris
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