POMPÉI
Habitat et artisanat
Le monde des maisons peut être exploré de façon exceptionnelle à Pompéi. Pour la première fois, lors des fouilles anciennes du site, les découvreurs se trouvent confrontés au monde domestique. Loin de la monumentalité imposante des ruines de Rome, ils ont même la sensation, face à un habitat qui reste celui d'une petite ville romaine, de se trouver face à des « maisons de poupées », comme l'écrira Goethe dans son Voyage en Italie. L'association conjointe de l'architecture, des décors et du mobilier permet de restituer la vie privée dans toutes ses composantes et d'illustrer les données transmises par les nombreux textes anciens.
L'étude spécifique des décors muraux a permis d'individualiser quatre styles successifs, utilisés comme références dans tout le monde romain. À partir du iiie siècle av. J.-C., le premier style imite, par du stuc en relief, un appareil de blocs polychromes, surmontés d'une corniche (comme dans certaines pièces de la maison de Salluste). Le deuxième style, qui apparaît dans les années 80 av. J.-C., est caractérisé par des représentations architecturales en trompe-l'œil. Exceptionnellement, dans des villas de prestige, comme la villa des Mystères, des scènes sont figurées avec des personnages en grandeur réelle, les mégalographies. À partir de l'époque augustéenne, le troisième style abandonne le trompe-l'œil au profit de grands panneaux plats animés de figures volantes, de vignettes, de tableaux mythologiques, que rythment des candélabres ou de frêles colonnettes (un des meilleurs exemples étant la maison de M. Lucretius Fronto). Vers le milieu du ier siècle apr. J.-C., le quatrième style marque un retour aux architectures fantastiques, en gardant l'exubérance décorative du style précédent (avec un exemple très représentatif dans la maison des Vettii). En 2007, à l'occasion des fouilles d'une tannerie au sud de la ville (région I), un décor antérieur au premier style (dit « style 0 ») a été découvert, daté entre la fin du ive siècle et le tout début du iiie siècle av. J.-C. ; il se caractérise par des parois en relief et des frises décoratives connues dans l'art de la Grande-Grèce dont il est issu.
Au-delà de la très bonne conservation des maisons, le premier intérêt de Pompéi est qu'il est possible de suivre leur évolution, à travers celles qui conservent leur état du ive siècle av. J.-C. jusqu'à celles aménagées dans les dernières années de la ville. Le second intérêt est que toutes les échelles sont présentes, des installations modestes, autour de 100 mètres carrés, aux grandes résidences de l'élite, qui peuvent dépasser 3 000 mètres carrés, sans compter les étages (comme la maison du Faune). Les plus anciennes demeures obéissent au plan centré de la maison italique, organisée autour d'une cour, l'atrium. Les maisons postérieures ne s'éloignent guère de ce schéma, mais les plus spacieuses intègrent, à partir du iie siècle av. J.-C., une composante d'influence grecque, le péristyle, avec un portique qui délimite un jardin (comme dans la maison des Noces d'argent). Même si la maison pompéienne obéit à une distribution schématique tournée vers la réception et la valorisation du propriétaire, selon un axe qui va des fauces(couloir d'entrée), au tablinum(bureau du maître de maison) et au triclinium (salle à manger), les autres pièces peuvent avoir des fonctions diverses et changeantes. Ainsi, des boutiques sont généralement placées en façade.
Depuis les années 2000, les recherches archéologiques, en se tournant davantage vers l'approche de la vie quotidienne, ont révélé une face peu explorée de Pompéi, celle d'une ville d'artisans et de commerçants. Très bien préservées, les installations permettent d'identifier[...]
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Écrit par
- Hélène DESSALES : ancienne élève de l'École normale supérieure, agrégée de lettres classiques, docteur en archéologie, ancienne membre de l'École française de Rome, maître de conférences en archéologie, École normale supérieure
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