POMPÉIENNE (peinture)
Les cités du Vésuve, Pompéi en tête mais aussi Herculanum, Stabies, Oplontis ou Boscoreale, constituent le plus important corpus de peinture murale du monde romain. Ces décorations pariétales, retrouvées essentiellement dans les maisons, nous donnent à voir le cadre de vie quotidien des Romains et son évolution sur plus de trois siècles. Au-delà de l’aspect quantitatif et diachronique, la ville, saisie en pleine activité par l’éruption du Vésuve en 79 après J.-C., a livré des informations uniques sur les chantiers de décoration et le travail des peintres. À ce titre, si le nécessaire élargissement des études à l’ensemble des provinces du monde romain a conduit, notamment depuis les années 1980, à diversifier et complexifier notre vision de la production picturale romaine, la peinture pompéienne reste le fer de lance de notre connaissance de cet artisanat.
L’artisanat de la peinture à Pompéi
Les peintres de paroi antiques étaient en effet des artisans, que l’on pourrait ranger dans la catégorie des artisans du bâtiment : si les maçons ou les charpentiers étaient responsables du gros œuvre, les peintres, à côté des mosaïstes et des stucateurs, s’occupaient des finitions. Les sources écrites nous ont transmis le souvenir de nombreux peintres de tableau – Grecs notamment –, mais elles restent silencieuses sur les activités de ces artisans du bâti et l’on doit s’en remettre aux vestiges archéologiques pour tenter de les reconstituer.
L’organisation du travail des peintres sur les chantiers de décoration
La technique majoritairement utilisée dans le monde romain est celle de la fresque. Les pigments sont appliqués sur l’enduit, composé de plusieurs couches de mortier de chaux, encore frais. L’évaporation de l’eau contenue initialement dans le mortier fait migrer l’hydroxyde de calcium présent dans la chaux vers la surface, en traversant la couche picturale. Une fois à la surface, l’hydroxyde de calcium réagit avec le gaz carbonique de l’air et se durcit, formant une légère pellicule transparente qui fixe et protège les couleurs. Cette technique exige une très bonne maîtrise du temps et une stricte répartition des tâches car l’enduit ne doit être ni trop humide ni trop sec pour permettre l’application et la tenue des pigments.
Une stèle célèbre retrouvée à Sens (Yonne, iie siècle apr. J.-C.) illustre les différentes étapes de la réalisation d’une peinture à fresque : un échafaudage est dressé devant la paroi à décorer ; à ses pieds, un artisan gâche le mortier ; sur l’échafaudage, un autre applique le mortier sur la paroi à l’aide d’une taloche, tandis qu’un dernier peint la surface ainsi préparée. On trouve ainsi regroupées dans une seule image deux actions qui devaient être séparées dans le temps. Plusieurs maisons de Pompéi ont livré des vestiges de chantiers de décoration interrompus par l’éruption du Vésuve, qui permettent de préciser cette organisation. La couche finale de l’enduit, celle qui reçoit les pigments, était appliquée en plusieurs fois, du haut vers le bas de la paroi. On appliquait vraisemblablement la superficie d’enduit que l’on pouvait peindre dans une journée de travail, ou du moins le temps que l’enduit conserve des conditions d’humidité satisfaisantes. Une fois la couche finale posée, on commençait par préparer la peinture en indiquant des repères (le plus souvent par de légères incisions), puis on appliquait les couleurs. Plusieurs peintres pouvaient travailler en même temps dans la même pièce, voire sur la même paroi. La pièce 12 de la maison des Peintres au travail illustre bien ces différentes étapes. La zone supérieure, à fond blanc, a été complètement réalisée. Pour la zone médiane, la couche finale a été appliquée et la peinture était en cours de réalisation sur toutes les parois : certaines zones sont achevées ; d’autres ont été préparées ou sont en cours de peinture ; sur d’autres enfin, on voit[...]
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Écrit par
- Mathilde CARRIVE : enseignante-chercheuse en histoire de l'art et archéologie du monde romain, maître de conférences, université de Poitiers
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Médias