PONT, Asie Mineure
Nom antique de la partie nord-orientale de l'Asie Mineure, tiré du nom grec de la mer Noire (Pont-Euxin). La partie occidentale du Pont n'est guère individualisée, par rapport aux chaînons paphlagoniens ou aux bassins bithyniens, mais le secteur oriental présente une forte originalité naturelle. À l'est des trouées et des plaines deltaïques du Kizil Irmak et du Yesil Irmak, une puissante barrière montagneuse s'étend sur plus de 400 kilomètres, dépassant, sauf en quelques rares cols, 2 500 mètres d'altitude et isolant totalement le versant littoral. Cette disposition orographique provoque d'abondantes précipitations, avec un régime de pluies en toutes saisons, liées au passage régulier sur la mer Noire de dépressions de la zone tempérée. Une forêt épaisse, à base de conifères et de hêtres, ourle ainsi d'une bande continue ce rebord septentrional de l'Anatolie, d'où un contraste vigoureux avec l'aspect dénudé du versant intérieur. En arrière de la crête principale, des vallées longitudinales (vallées du Coruh et du Kelkit, bassins du moyen Yesil Irmak) présentent des aspects de transition, encore propices à une végétation de type méditerranéen.
La puissante originalité de cette région trouva une première expression politique du ~ iiie au ~ ier siècle dans le royaume du Pont ; il englobait, sous une dynastie iranienne dont le dernier souverain fut Mithridate, les populations variées de la montagne et les villes grecques de la côte d'Amastris à Trébizonde (aujourd'hui Trabzon). Sur les mêmes bases géographiques, l'Empire grec de Trébizonde en fut la seconde traduction. Gouverné par la lignée des Comnènes, il apparut après la prise de Constantinople par les croisés en 1204 et opposa une résistance tenace aux Turcs, à l'abri de la haute chaîne. Le relief et la végétation interdirent aux pasteurs nomades des hautes terres sèches l'accès aux basses pentes humides. L'annexion à l'Empire ottoman en 1461 ne modifia guère la physionomie humaine du pays. Une lente turquisation se fit par infiltration progressive de paysans des hautes terres, sans aucun apport nomade. Une continuité culturelle presque absolue permit le maintien des populations préexistantes ; celles-ci ont partiellement conservé leur langue (le laze, rattaché à la famille caucasienne), avec une structure sociale et familiale particulière, fondée sur la vendetta ; de nombreuses coutumes les distinguent très fortement du reste des populations anatoliennes. L'absence de dévastations par les nomades, la persistance d'une certaine sécurité à l'échelle régionale expliquent l'habitat essentiellement dispersé, contrastant très vigoureusement avec les gros villages groupés du versant intérieur et du reste de l'Anatolie.
À l'opposé des autres franges littorales de l'Asie Mineure, le Pont n'a pas connu ces ravages et ces régressions qui les transformèrent, pour des siècles, en quartiers d'hiver pour nomades et les ramenèrent à l'état de brousses incultes. Cette continuité dans l'occupation du sol explique qu'il ait la plus forte concentration de population rurale de la Turquie. Le surpeuplement s'y est d'abord traduit par une intense émigration temporaire ou définitive ; orientée depuis longtemps vers Istanbul, elle se fait, depuis le milieu du xixe siècle, vers les bassins paphlagoniens et bithyniens, et même vers les grandes vallées de l'Egéide ; elle a d'ailleurs fortement contribué à leur repeuplement. La pression démographique a conduit ensuite à une évolution précoce et intense vers des cultures commerciales de plantations, qui ont largement supplanté le maïs, céréale vivrière traditionnelle. À l'est, au-delà de Trabzon et autour de Rize, s'étend le secteur du théier, développé essentiellement[...]
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Écrit par
- Xavier de PLANHOL : professeur à l'université de Paris-Sorbonne, membre de l'Academia Europaea
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