Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

POP MUSIC

Une nouvelle donne

La fin des années 1980 apparaît, au fil des ans, comme une période charnière dans l'histoire de la pop music. Pour au moins trois raisons : le passage du disque « noir » au disque compact, le rapprochement des firmes multinationales – les « majors » – et des labels indépendants, la mondialisation des moyens de communication.

La disparition progressive du microsillon révolutionne l'industrie du disque. En rééditant leurs fonds de catalogue, les grandes compagnies rallongent la durée de vie des groupes. C'est ainsi que, deux décennies après leurs débuts, Pink Floyd et les Rolling Stones déchaînent toujours les passions. Seule la mort interrompt les carrières, comme ce fut le cas pour Queen avec la disparition de Freddy Mercury, en novembre 1991. Et encore ! Car le disque compact relance aussi les groupes disparus : nouvel apogée pour The Doors avec la sortie du film d'Oliver Stone en 1991 ou reformation du Velvet Underground en 1993 pour une tournée triomphale. Beaucoup l'imitent, avec plus ou moins de réussite. Du coup, les artistes d'envergure mondiale signent pour de véritables ponts d'or (Prince avec W.E.A. ou Michael Jackson avec Sony). Les droits, comme ceux des Beatles, rachetés par Michael Jackson, ou ceux des maisons de disques dont le catalogue est considéré comme indémodable (Island pour ses enregistrements de reggae, Motown pour la soul) atteignent des sommes vertigineuses. L'ère de la compilation et des rééditions intégrales transforme le disque, qui passe du statut d'objet culturel à celui de produit de consommation.

Mais cette révolution recèle un vice pernicieux : la création souffre de la capitalisation des majors sur les valeurs sûres et, surtout, de la chute des ventes des formats courts : ni la cassette deux titres ni le disque compact deux titres n'arrivent à se substituer à ce que fut le bon vieux 45-tours. Lancer un nouvel artiste relève donc de la gageure, les coûts de base (enregistrement, promotion et commercialisation) étant désormais plus élevés. C'est pourquoi les multinationales ont, tout d'abord, absorbé les principaux indépendants puis, ensuite, créé leurs propres labels. Sans remettre en cause l'hégémonie des firmes toutes-puissantes, cette évolution a débouché sur une nouvelle approche qui n'exclut plus le risque et la liberté artistique.

Une radicalisation de la musique

À ce petit jeu, les États-Unis vont reprendre l'avantage sur l'Angleterre. Sous l'impulsion de la scène bruitiste new-yorkaise (Sonic Youth) et d'un groupe de Boston, Pixies, le rock va redevenir un phénomène social contestataire et déviant grâce à un label de Seattle, Sub Pop, et à un groupe, Nirvana. Son leader, Kurt Cobain, déclare à la fin de 1989 qu'il veut révolutionner le rock. Ce sera chose faite deux ans plus tard avec la sortie de Nevermind, un album dont la chanson-phare, Smells Like Teen Spirit, devient l'hymne de toute une génération et lance une nouvelle mode : le grunge. Beaucoup de groupes (Pearl Jam, Soundgarden, Smashing Pumpkins...) profitent alors de cet engouement pour le bruit mélodique, l'allure négligée et le son sale, et éclipsent presque le hard rock de Guns N' Roses ou de Metallica. Pourtant, victime d'un succès qui ne tarde pas à le dépasser, Kurt Cobain entre dans la légende du rock en se suicidant, le 5 avril 1994.

Mais, si le grunge, comme souvent le rock, est plutôt l'apanage d'une population blanche, la communauté noire n'est pas en reste. Depuis le succès des Blancs Beastie Boys, le rap a pris un essor considérable. Il s'est rapidement répandu dans la jeunesse défavorisée et cosmopolite des grandes cités urbaines, que ce soit aux États-Unis, en Grande-Bretagne ou même en France. Il s'est, lui aussi, fortement radicalisé, poussé par un phénomène typiquement américain : les[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : journaliste indépendant, spécialiste de musique moderne, auteur et réalisateur de télévision
  • : metteur en scène, scénariste, producteur
  • : licencié de sociologie, journaliste, directeur de Magic Éditions, Paris
  • : ancien rédacteur en chef du mensuel Best

Classification

Médias

Eric B & Rakim - crédits : Michael Ochs Archives/ Getty Images

Eric B & Rakim

Elvis Presley - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

Elvis Presley

Bill Haley and his Comets - crédits : Topical Press Agency/ Getty Images

Bill Haley and his Comets

Autres références

  • POP ET ROCK

    • Écrit par
    • 1 255 mots

    La pop music ne constitue pas un genre musical bien précis. Elle naît dans les années 1960 avec le développement de la consommation de masse et des médias. Se confondant parfois avec le rock, la pop music désigne dans les années 1960 et 1970 une grande partie des musiques électriques populaires. L'esprit...

  • Ain't no woman (like the one I've got), FOUR TOPS

    • Écrit par
    • 554 mots

    Formé en 1956 par quatre camarades d'université, The Four Tops va constituer à partir du début des années 1960 le plus fameux groupe de rhythm and blues puis de soul pop de l'écurie Tamla Motown. Ce quatuor vocal de Detroit, caractérisé par une exceptionnelle longévité – il était toujours...

  • ARTUR JOSÉ (1927-2015)

    • Écrit par
    • 642 mots
    • 1 média

    Après une carrière d’acteur d’une dizaine d’années, José Artur devint l’une des plus célèbres voix de la radio française, sur France Inter, avec son Pop Club, émission qu’il anima quasi sans interruption pendant quarante ans, de 1965 à 2005.

    José Artur est né le 20 mai 1927 à Saint-Germain-en-Laye...

  • ASYLUM RECORDS

    • Écrit par et
    • 386 mots

    Le New-Yorkais David (Lawrence) Geffen est à l'origine d'Asylum Records. Cette firme discographique, véritable incarnation musicale de la « décennie du moi » (selon l'expression forgée par l'écrivain américain Tom Wolfe dans son essai The « Me » Decade and the Third Awakening...

  • AVALON FRANKIE (1939- )

    • Écrit par
    • 324 mots

    Les chansons de l'Américain Frankie Avalon, chanteur et trompettiste de rock, mais aussi acteur, ont occupé la tête des hit-parades de la fin des années 1950 au tout début des années 1960.

    Francis Thomas Avallone naît à Philadelphie (Pennsylvanie) le 18 septembre 1939. Il manifeste dès...

  • Afficher les 136 références